C'est une histoire d'Europe de l'Est qui doit faire réfléchir l'Europe de l'Ouest… et tous les démocrates de l'Union. En octobre, le principal quotidien de l'opposition hongroise, Népszabadság, «la Liberté du peuple», né en 1956 pendant l'insurrection antistalinienne, a été brutalement réduit au silence. Par la police ? Par l'armée ? Pas du tout : grâce une opération capitalistique menée de longue main par des proches du Premier ministre, Viktor Orbán. C'est pour donner la parole à une équipe courageuse, qui a incarné jusqu'au bout les valeurs de liberté qui furent celle de Lajos Kossuth, le héros de 1848, ou d'Imre Nagy, celui de 1956, que Libération publie ce cahier spécial.
Contée dans ces pages par l'équipe du Népszabadság, cette histoire illustre une évolution qui nous concerne tous. Viktor Orbán était un libéral qui avait lutté contre le régime communiste finissant au moment de la chute du mur de Berlin. Mais peu à peu, à travers une carrière mouvementée, il a choisi un cheval de bataille plus efficace à ses yeux, qui lui assure le soutien d'une opinion tétanisée par la peur de l'immigration et titillée par un rêve de grandeur : le nationalisme. Ainsi, à l'instar de la Turquie, de la Russie, avec les mêmes slogans qui ont porté Trump au pouvoir, qu'on retrouve dans la propagande du Front national ou même dans les discours de notre Hongrois à nous, Nicolas Sarkozy, un nouveau régime s'est installé, une démocrature, mélange de pluralisme de façade et de tyrannie bien réelle. Nous passons de Orbán à Orwell. Dans un pays imaginaire ? Exotique ? Non, dans une nation de l'Union européenne. Danger !