Quelques jours seulement après la fin de la COP22, la conférence des parties sur le climat organisée cette année au Maroc, le gouvernement canadien a décidé de marquer le coup en revoyant à la hausse ses ambitions climatiques.
C'est lors d'une conférence de presse à suspense, lundi, que Catherine McKenna, la ministre de l'Environnement canadienne a annoncé la volonté du gouvernement de fermer ses centrales au charbon d’ici 2030. Le but: accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. Ces centrales, situées dans quatre provinces, rejettent environ 10% des émissions totales de GES au Canada.
De nouveaux objectifs ambitieux
La ministre a justement fixé un nouvel objectif de réduction des émissions de GES : moins 80% d’ici 2050 par rapport au niveau de 2005. Les écologistes et une partie de l’opposition reprochaient jusqu’à maintenant au gouvernement libéral de Justin Trudeau d’avoir conservé les mêmes objectifs que le précédent gouvernement conservateur, soit 30% d’ici 2030.
La fermeture des centrales permettra de réduire «de plus de 5 millions de tonnes de CO2» les émissions du Canada vers 2030, a revendiqué la ministre. Environ 80% de la production d'électricité au Canada provient actuellement d'énergies renouvelables [pour 18,9% de la consommation d'électricité, ndlr], et l'objectif est de faire passer cette proportion à 90% aux alentours de 2030, a-t-elle précisé.
Aurore Fauret, chargée de campagne à 350.org Canada, applaudit l'annonce du gouvernement mais rappelle que «les avancées qu'elle permettra seront annulées si le Premier ministre autorise la construction du pipeline Kinder Morgan [prévu pour relier l'Alberta à la côte Est du pays, ndlr]. La ministre McKenna a dit elle-même que quitter le charbon aurait le même impact que retirer 1,3 million de voitures des routes canadiennes, mais approuver Kinder Morgan devrait ajouter plus de 30 millions de voitures sur ces mêmes routes.» Le gouvernement doit annoncer d'ici la fin de l'année sa décision finale sur deux projets majeurs d'oléoducs entre l'Alberta et la côte du Pacifique en Colombie-Britannique.
Petit bémol dans cette annonce : les provinces de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse pourront soit fermer complètement leurs centrales au charbon, comme la première prévoit de le faire, ou avoir recours «à des technologies de capture et d'entreposage du carbone», a indiqué Catherine McKenna.
Justin Trudeau, mauvais élève sur le climat
La Première ministre de la province de l'Alberta, où se trouve la majorité des gisements de pétrole, s'était déjà engagée, fin 2015, à supprimer la pollution causée par le charbon d'ici 2030. Actuellement, 55 % de l'électricité albertaine est produite avec ce combustible. Dans les prochaines années, 18 centrales devront fermer. Rien que dans cette province, l'élimination des centrales au charbon pourrait coûter jusqu'à 8 milliards de dollars canadiens (5,6 milliards d'euros) d'ici 2030, selon une étude menée par la firme de consultants en énergie EDC de Calgary. L'étude a été commandée par 15 membres de l'industrie électrique et de charbon de la province.
Jusqu'à maintenant, le Canada ne s'était pas montré bon élève sur les questions climatiques (à part un ardent discours du premier ministre lors de la COP21 à Paris, en 2016). Avec l'extraction massive de gaz et de pétrole de schiste et de sables bitumineux, parmi les plus sales au monde, le pays est un des plus gros émetteurs par habitant du monde (16 tonnes de CO2 par personne en 2013). Dès que l'occasion se présente, le chef du gouvernement répète qu'«il faut amener l'énergie sur les marchés». Comprendre : construire les infrastructures, pipelines et ports gaziers pour favoriser l'exportation des matières premières dont les sols canadiens regorgent.
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Justin Trudeau avait déjà essayé d'embellir son tableau climat en annonçant, début octobre, la création d'une taxe nationale sur le carbone à compter de 2018, lors de l'ouverture au Parlement du débat sur la ratification par le Canada de l'accord de Paris. Plusieurs provinces s'étaient déjà engagées sur ce plan.