Menu
Libération

Despote au destin pop

Objet de film, détourné par le Web et la musique, Castro a fini par être supplanté par sa propre image.
publié le 27 novembre 2016 à 21h16

Question image, Castro a longtemps été éclipsé par le Che. D'un côté, le vieux dictateur s'accrochant au pouvoir, de l'autre, le héros romantique mort pour la cause. Et puis, la question cubaine devenant moins centrale sur l'échiquier mondial et Castro se retirant peu à peu du pouvoir, il s'est mué en mythe vivant du XXe siècle. En 2003, le documentaire d'Oliver Stone, Commandante, y a sans doute contribué. Castro y apparaît déjà fatigué, en retrait, philosophant comme dans un blockbuster américain : «Toute la gloire du monde tient dans un grain de maïs. […] L'histoire est relative, l'humanité pourrait s'éteindre, le soleil pourrait mourir, donc qu'est-ce que la célébrité ?» D'autres Américains ont participé à cette mythification : Dylan a écrit une chanson sur lui, les Simpson le font apparaître, et Spielberg, qui l'a rencontré en 2002, a dit que c'était «les huit heures les plus importantes de sa vie».

Le Web s’en est aussi emparé. Comme pour les Nord-Coréens Kim Jong-il et Kim Jong-un, l’image de Fidel Castro est régulièrement détournée. Il est un «meme» internet, ses photos étant reprises et retravaillées inlassablement. Ses passages à la télévision lors de sa convalescence en 2008, en survêtement Adidas aux couleurs de Cuba, contredisant l’image du dictateur en uniforme militaire et cigare aux lèvres, menton fier et discours fleuves, ont sans doute joué pour beaucoup dans l’évolution de notre perception de Castro. Sur YouTube, les vidéos compilant ses discours et ses faits de gloire sont nombreuses. Sur Deezer, on peut écouter ses «discours les plus mémorables» réunis dans un disque, comme si c’était de la pop. Le nom «Fidel Castro» est même utilisé pour une chanson de rap américain ou pour de l’electro tchèque.

Petit à petit, son image se détache de ses actions passées. Peut-être que les jeunes générations finiront par se demander s’il a vraiment existé, ou s’il est un personnage de fiction. Dans une de ses séries, le photograhpe et illustrateur Agan Harahap, qui met en scène des super-héros dans des photos historiques, on peut voir Batman juste derrière Castro. On se surprend alors à se demander lequel des deux est le plus réel.