On ose à peine l’écrire, mais le parti Ukip (United Kingdom Independence Party) a un nouveau dirigeant, et ce n’est pas l’éternel revenant Nigel Farage. Pour la seconde fois en trois mois, le parti britannique anti-européen et xénophobe a élu un nouveau leader, le député européen Paul Nuttall. Et, dans un discours d’une originalité renversante, il a promis de remettre le mot «grand» à sa place dans «Grande-Bretagne», tout un programme.
Bon prince
Paul Nuttall, 39 ans, succède à Nigel Farage qui lui-même avait succédé à Diane James, qui elle-même succédait à Nigel Farage mais avait décidé dix-huit jours après son élection en septembre dernier que décidément, non, le job n'était pas pour elle. Du coup, bon prince, Nigel Farage avait alors repris le collier, le temps d'organiser de nouvelles élections. Entretemps, Steven Woolfe, initial favori pour succéder à Diane James, s'était retrouvé à l'hôpital après une rixe avec un collègue député européen du Ukip dans les couloirs du parlement à Strasbourg. Exit Steven Woolfe, comme Diane James. Tous deux ont depuis quitté le parti. Depuis la victoire au référendum du 23 juin dernier de sa raison d'être – la sortie de l'Union européenne –, le Ukip se cherche une nouvelle mission, sans grand succès jusqu'à présent. Les derniers mois ont surtout mis en lumière les profondes divisions au sein du parti.
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Paul Nuttall n'est pas un inconnu. Ancien professeur d'histoire, il a été pendant six ans le numéro deux du Ukip, jusqu'à septembre dernier. Il a remporté la course au leadership avec une confortable avance de 62,6% et annoncé son intention de remplacer le Labour dans le paysage électoral britannique. «Je veux remplacer le Labour Party et faire du Ukip la voix patriotique des travailleurs», a-t-il dit.
Il y a peu, sur son blog personnel, il réclamait la suppression pure et simple du National Health Service, le service de santé publique, pour le remplacer par un système d’assurances privées. Il est également climatosceptique, en faveur d’une limitation stricte du droit à l’avortement, et contre la non-discrimination des homosexuels.
Records d'absentéisme
Le Ukip ne dispose que d’un seul député au parlement, Douglas Carswell, lui-même transfuge du parti conservateur. Le système électoral britannique, majoritaire à un tour, rend difficile l’accès au parlement pour les petits partis. L’omniprésent Nigel Farage a tenté à sept reprises d’être élu député, en vain. Paul Nuttall en est pour sa part à trois tentatives. Comme Nigel Farage, Nuttall détient l’un des records d’absentéisme au parlement européen, qu’il explique, logiquement, par un manque d’intérêt pour l’UE. En revanche, et comme Farage, il ne rechigne pas du tout à toucher ses émoluments de député européen.
D'ailleurs, si l'on en croit un récent rapport d'audit du parlement européen, consulté par The Guardian, le Ukip a utilisé avec largesse des fonds européens pour se préparer aux dernières élections générales britanniques, ce qui est strictement interdit. Le parti europhobe pourrait avoir à rembourser 173 000 euros. Nigel Farage a réagi en affirmant qu'il s'agissait d'une entreprise de «victimisation» de sa personne. Et en a profité pour critiquer une hausse de salaire de Jean-Claude Juncker.
Même s’il continue de toucher son salaire de député européen, les yeux de Nigel Farage sont désormais tournés vers Washington, où il rêve d’être nommé ambassadeur du Royaume-Uni en arguant de sa grande connivence avec Donald Trump. Le 10, Downing Street a, pour le moment, opposé une fin de non-recevoir cinglante à ses ambitions diplomatiques.