Devant l'un des bureaux de vote du premier arrondissement à Vienne, l'une des responsables nous prévient : «Pour ce vote-là, vous ne pourrez pas rentrer à l'intérieur». Depuis l'échec du second tour, les conditions du scrutin ont été durcies : aucun journaliste ne peut entrer, et les votes par correspondance ont été expédiés depuis quelques jours. «Mais l'affluence est bonne. Les gens se sont déplacés aujourd'hui», nous rassure-t-elle.
A la sortie, certains électeurs acceptent de parler. Et d’expliquer les raisons qui les ont poussés à glisser le nom de Norbert Hofer (FPÖ) ou d’Alexander Van der Bellen (die Grünen) dans l’urne.
Thomas, 42 ans, rentier : «J'ai voté Hofer, parce qu'il a une position claire, contrairement à Van der Bellen. Il veut que l'Autriche s'affirme en Europe, et je suis d'accord avec lui. Je ne veux pas qu'on sorte de l'Europe, seulement qu'on soit plus dur. L'Autriche ne peut pas toujours dire oui à tous les autres grands pays, l'Allemagne, la France, l'Italie. Nous sommes un petit pays mais nous devons montrer que nous ne sommes pas la petite Autriche. J'ai aussi voté Hofer parce que je suis contre les accords de libre-échange, le CETA et le traité transatlantique. Je trouve Van der Bellen trop soft.»
Albert, la cinquantaine, fonctionnaire : «Je suis marié à une Polonaise, l'Autriche est un pays cosmopolite et doit le rester. Ce qui me dérange avec cette histoire de Hofer, c'est qu'il surfe sur des approximations. Il parle des étrangers mais de quels étrangers parle-t-il ? J'espère qu'on ne donnera pas une occasion à l'Europe de se moquer de nous ce soir.»
Alexander, 35 ans, salarié, accompagné de sa mère : «Nous votons habituellement pour l'ÖVP [le parti autrichien d'orientation chrétien-démocrate-conservateur, dont le candidat, Andreas Khol, a été éliminé au premier tour, ndlr], donc sommes plutôt libéraux [«conservateurs», précise sa mère]. Nous nous sommes longtemps demandé pour qui nous allions voter. Partout en Europe, les citoyens votent le repli, ils veulent garder leur argent pour eux. C'est un vote de protestation aujourd'hui, j'avais juste envie de dire "fuck you" au SPÖ [le parti social-démocrate]. Mais nous avons voté Van der Bellen parce que nous sommes pour la liberté.»
Georg, 36 ans, travaille dans l'équivalent de Pôle Emploi en Autriche : «Je trouve que Van der Bellen est quelqu'un d'intelligent et de cultivé, même si je ne suis pas d'accord à 100% avec sa politique. J'ai déjà voté pour les Verts auparavant, mais aussi pour les socialistes et les communistes, même si Van der Bellen se dit au-dessus des partis. La voix que porte Hofer est problématique, parce que c'est celle des gens qui ont peur. Il est dangereux. S'il est élu, il a déjà déclaré vouloir que son parti ait la majorité au Parlement. Alors que Van der Bellen, lui, ne pense pas autant à son parti.»
Zen Lee, 53 ans, mère au foyer : «Je suis mère au foyer, je suis née en Corée et j'ai vécu au Japon. Ça fait dix-sept ans que je suis en Autriche pour les études de mes deux filles. J'ai voté Van der Bellen parce que nous avons besoin d'un président qui a fait de longues études et qui connaît les responsabilités. Hofer est trop jeune et pas assez qualifié pour occuper cette fonction.»
Une mère de 54 ans qui travaille avec des enfants, et sa fille, une étudiante de 21 ans : «Nous avons toujours voté soit à gauche soit pour les Verts. Nous avons voté Van der Bellen parce que nous sommes pour la démocratie et que nous ne voulons pas de l'extrême droite. Il n'y a qu'à regarder ce que diffusent les militants d'extrême droite sur les réseaux sociaux, c'est très dangereux.»