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Libération
EDITORIAL

Imprécation

Publié le 20/12/2016 à 21h06

A l’heure où nous écrivons - selon la formule consacrée - il est impossible de savoir qui est l’auteur du massacre de Berlin. La police allemande a interpellé un suspect, mais l’a ensuite relâché. Même si l’Etat islamique l’a revendiquée, les règles élémentaires de recherche de la vérité nous interdisent donc de raisonner trop vite sur cette attaque terroriste, sinon pour la condamner avec énergie et pour exprimer une solidarité entière avec les victimes, leurs familles, et le peuple allemand. Une précaution de bon sens dont une partie de la classe politique, en Allemagne et ailleurs, s’est allègrement affranchie. Comme des automates, les leaders de l’extrême droite ont incriminé la politique d’accueil mise en œuvre par Angela Merkel. Ils réclament, en France comme en Allemagne, le rétablissement des frontières nationales, c’est-à-dire la disparition de l’un des piliers de l’Union européenne, qu’on charge au passage de tous les maux. Ce raisonnement, qui reposait mardi soir sur une simple hypothèse, est-il logique ? Sur ce point, il est possible de faire une remarque, bien au-delà de l’enquête en cours. Si cette solution était si simple, si le maintien des frontières nationales était un remède efficace au terrorisme, on devrait constater une différence évidente entre l’Europe, qui a ouvert ses frontières internes, et les nations qui n’en font pas partie. Or il y a des attentats meurtriers aux Etats-Unis, qui ont gardé des frontières nationales, tout comme en Grande-Bretagne, protégée de l’extérieur par la mer, en Turquie où les frontières sont surveillées, en Inde, au Kenya, en Thaïlande ou au Canada, qui n’ont pas, que l’on sache, adhéré à l’Union européenne. Ce sont l’action de renseignement, le démantèlement des filières par l’enquête policière, le combat contre les bases jihadistes qui permettent de lutter efficacement contre le terrorisme. La désignation de l’Europe comme bouc émissaire n’est qu’une imprécation démagogique visant à égarer l’opinion.