Arlie Hochschild est sociologue à l'université de Berkeley. Elle vient de publier Etrangers dans leur propre pays, où elle dresse le portrait, en Louisiane, de ces électeurs blancs de droite radicale qui ont voté pour Donald Trump.
Pourquoi avoir choisi la Louisiane ?
C'était l'Etat le plus pauvre du pays en 2014, et 44 % de son budget vient du gouvernement fédéral. Pourtant, le Tea Party et Trump y ont le vent en poupe. Quand j'y suis allée, j'ai éteint mon système d'alarme politique et moral pour faire preuve d'une grande curiosité sur ce monde. Durant cinq ans, j'ai interrogé 60 personnes, dont 40 étaient d'extrême droite. Je leur ai posé des questions, «Où êtes-vous né ? Où êtes-vous allé à l'école ? Où alliez-vous à l'église ?» Puis j'allais à l'église avec eux, et à la pêche. C'est bien d'avoir une conversation politique avec quelqu'un que vous connaissez depuis un moment, sur un bateau, en train de pêcher. Car vous ne pouvez pas quitter le bateau. Ainsi, je pense que nous devons entrer en contact avec l'aile droite et trouver les points que nous avons en commun.
Pourquoi ceux qui auraient pu bénéficier d’un démocrate à la Maison Blanche ont fini par voter pour Trump ?
Je pense qu’il s’agit surtout d’un échec du Parti démocrate de ne pas avoir réussi à combler le besoin de reconnaissance de ces ouvriers blancs. Ils se sont sentis ignorés, dépassés : ils ont eu l’impression d’avoir été relégués à la fin de la file d’attente pour le rêve américain. Que le gouvernement était devenu le propre instrument de leur marginalisation, d’où leur suspicion à son égard. Et ils voient Trump inverser ce phénomène car il les promeut, eux. C’est le seul homme politique qui l’a dit franchement, avec autant d’audace et de grossièreté.