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Libération

Exit pour l'ambassadeur britannique auprès de l'Union européenne

Enième soubresaut post référendum pour le Brexit : Ivan Rogers démissionne, moins de trois mois avant le déclenchement de l'article 50 du Traité de Lisbonne, qui doit lancer les négociations sur la sortie du Royaume uni.
Ivan Rogers à Bruxelles le 28 juin 2016. (Photo Francois Lenoir. Reuters)
publié le 3 janvier 2017 à 18h43

L’année commence mal pour Theresa May. La Première ministre britannique a promis de déclencher l’article 50 du traité de Lisbonne d’ici fin mars 2017 pour pouvoir (enfin) entamer les négociations avec l’Union européenne. Et voilà que son ambassadeur à Bruxelles décide de démissionner. En poste depuis novembre 2013, Sir Ivan Rogers connaissait bien le dossier et devait jouer un rôle crucial dans ces discussions avant son départ prévu initialement pour novembre 2017.

L’ambassadeur est resté flou sur les raisons de sa sortie prématurée, mais selon les médias britanniques, son franc-parler ne plaisait pas à la clique pro-Brexit du gouvernement. En décembre, il s’est attiré les foudres de certains députés eurosceptiques lorsqu’ils ont appris qu’à l’occasion d’une réunion privée, Ivan Rogers a expliqué aux ministres que la négociation d’un accord de libre échange avec les 27 pourrait prendre dix ans. Downing Street a eu beau préciser qu’il n’exprimait pas son opinion personnelle, le mal était fait.

La démission d'Ivan Rogers, jugé trop «pessimiste» par les pro-Brexit, en réjouit donc certains. A commencer par Nigel Farage, l'ancien leader du UKIP, qui en a profité pour encourager d'autres ambassadeurs britanniques à quitter leur poste. «Le monde a changé. C'est juste que l'establishment politique et le corps diplomatique n'acceptent pas le vote», a-t-il lancé à Press Association, avant de conseiller à Theresa May de «placer un défenseur inflexible du Brexit à ce poste.» «Quelqu'un d'optimiste pour le futur du Royaume-Uni hors de l'Union européenne», a ajouté Arron Banks, cofondateur du groupe de campagne Leave.EU et généreux donateur du UKIP.

«Ennemis du peuple»

C'est ce qui fait dire à Nick Clegg, l'ancien Vice-Premier ministre libéral démocrate, qu'Ivan Rogers est l'énième victime de l'excès de zèle des pro-Brexit. Interrogé par le Guardian, il a comparé la campagne médiatique contre l'ambassadeur démissionnaire qui «a juste donné un conseil candide sur la durée des négociations» aux attaques contre les juges qualifiés d'«ennemis du peuple» qui ont obligé le gouvernement à passer par le Parlement avant de déclencher la sortie de l'UE. «Ils sont sur la ligne de mire s'ils ne soutiennent pas une vision exaltée du monde. C'est une mode très inquiétante et c'est nouveau dans la politique britannique», a déploré Nick Clegg.

Du côté des europhiles, ou des Britanniques préoccupés par la tentation du «hard Brexit», cette décision inattendue est loin d'être une bonne nouvelle. Hilary Benn, le travailliste qui préside le comité sur la sortie de l'Union Européenne («Exiting the European Union Committee» en VO), ne cache pas que le timing est mauvais : «Le travail difficile va commencer bientôt, car l'article 50 sera déclenché. […] Faire une passation à ce moment-là, ce n'est pas idéal.» Ivan Rogers devrait laisser sa place dans les prochaines semaines et être remplacé avant le tant attendu début des négociations. Et le choix de son successeur sera déterminant.