Menu
Libération
Transition

Le programme écolo du Mouvement 5 étoiles

Le parti de Beppe Grillo se positionne en faveur des énergies renouvelables. Une «écologie idéologique», selon Matteo Renzi.
Eoliennes près de Partinico, entre Palerme et Trapani, en 2010. 2016 a été une année noire pour les énergies renouvelables : –79% de création dans l’éolien par rapport à 2015. (Photo Marcello Paternostro. AFP)
publié le 3 janvier 2017 à 12h42

Contre les énergies fossiles et en faveur des renouvelables. En Italie, le Mouvement 5 étoiles (M5S), le parti politique qui revendique d'être ni de gauche ni de droite, et qui rêve de gouverner le pays après la défaite de Matteo Renzi au référendum constitutionnel, a fait une consultation en ligne pour rédiger un programme électoral participatif. En tête des préoccupations de ce parti eurosceptique fondé par l'humoriste Beppe Grillo et accusé d'être populiste : l'environnement, une des cinq étoiles du nom du parti (avec l'eau, les transports, le développement…). En retard par rapport aux autres formations politiques, le M5S essaye de gagner du temps avec cette thématique, qu'elle juge importante depuis sa création en 2009.

Le parti est historiquement lié à la cause écologique : plusieurs de ses représentants ont un passé de militants au parti Vert, presque disparu en Italie. Beaucoup ont commencé à faire de la politique avec les campagnes en faveur de l'eau comme bien public ou contre les incinérateurs. «Il n'y a rien de nouveau, explique Gianni Girotto, sénateur du M5S, à Libération. Nous, on se bat pour l'environnement depuis toujours et on le fait pour deux raisons : on croit que la protection de la planète est une nécessité pour garantir un futur aux nouvelles générations. Et c'est aussi logique d'un point de vue économique.»

«Taxer les énergies fossiles»

Les militants ont déjà pu voter en ligne sur cette première proposition : «Oui, le prochain gouvernement devra décourager l'utilisation du charbon et de l'essence», ont répondu 18 000 d'entre eux. Cela se traduira par une augmentation de la mobilité électrique et de l'usage des transports en commun (métro, bus et covoiturage). Mais les modalités concrètes de réalisation de cet objectif restent floues, tout comme le montant des ressources économiques nécessaires : «On trouvera de l'argent si la volonté politique est là», assure Gianni Girotto.

La deuxième proposition du M5S prévoit l'augmentation des subventions de l'Etat aux énergies renouvelables, et l'abandon de celles dédiées aux énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Pour Girotto, «le FMI dit depuis plusieurs années qu'il est nécessaire de plus taxer les énergies fossiles. Il s'agit simplement de commencer à réfléchir à notre rapport à l'environnement». Enfin, ils proposent de stopper les importations d'énergie nucléaire.

En avril dernier, le Mouvement 5 étoiles a été en première ligne contre les forages offshore, lors du référendum sur les licences d'extraction de gaz et de pétrole en mer Adriatique. Le quorum n'ayant pas été atteint, la consultation avait été annulée. Mais le M5S en a profité pour présenter un plan sur l'énergie en Italie avec trois objectifs : la fin du charbon avant 2020 ; la fin du pétrole avant 2040 ; 100% d'énergies renouvelables (solaire, éolien, biomasse) d'ici 2050. Irréaliste ? «Le M5S croit que c'est un calendrier faisable ; il faut seulement commencer à y penser. Au niveau mondial, le coût a été évalué autour de 1 000 milliards de dollars par an d'ici 2050 : c'est beaucoup d'argent, mais sur la longue durée c'est avantageux. On n'a pas le choix : on a l'habitude d'une classe dirigeante médiocre qui pense seulement à ses intérêts. Plus on attend au lieu d'agir, plus on devra payer». Mais où trouver l'argent ? «Pour commencer, on peut utiliser différemment les 13 milliards d'euros d'aides annuelles de l'état aux énergies fossiles.»

«Le pays du soleil et du vent»

Ce n'est pourtant pas la tendance en Italie : 2016 a été une année noire pour les énergies renouvelables, avec un décrochage dans la création de nouvelles structures de production par rapport à 2015 (79% de moins dans l'éolien, 44% de moins pour l'hydroélectricité). «Un scandale, s'indigne Girotto. Le pays du soleil et du vent a enregistré une chute de la production d'électricité issue des renouvelables. Nous sommes déjà en retard.» L'ancien Premier ministre Renzi a été beaucoup critiqué à ce sujet : contrairement à la tendance globale, l'Italie a baissé ses subventions dans les renouvelables, diminué leur attractivité pour les investisseurs, et handicapé l'emploi dans le secteur. Avant sa démission, Matteo Renzi avait répété vouloir relancer les renouvelables en Italie. Pour lui, le positionnement du M5S sur le sujet est de «l'écologie idéologique» : «Il devrait savoir que sans le gaz, on sera obligé d'acheter le pétrole», arguait-il.

Le M5S n'a pas choisi l'énergie comme priorité dans son programme électoral par hasard. Le parti surfe sur des bons sondages : le dernier donne le parti en tête avec 30% d'intentions de vote, talonné par le Parti démocrate, au gouvernement (28%). Mais les derniers mois ont été très difficiles en coulisse : les problèmes de gestion de la maire de Rome Virginia Raggi, mise sous tutelle par son parti, ont risqué de nuir au M5S au niveau national. Pour la première fois, l'Italie a assisté à une lutte pour le leadership du Mouvement 5 étoiles, qui prétend pourtant ne pas avoir de chefs. L'environnement est un thème souvent absent des programmes des partis traditionnels en Italie. Pour Beppe Grillo et ses militants, il peut au contraire fédérer les électeurs, au sein des sympathisants du Mouvement mais également en dehors. Et ainsi, faire oublier les accusations de populisme en matière d'immigration.