La bataille est lancée : les républicains ont sorti leurs armes législatives pour démanteler l’Obamacare le plus vite possible, épaulés par le président élu Donald Trump. La réforme de l’assurance maladie, principal héritage de Barack Obama, est, depuis ses débuts, la cible de ses adversaires politiques. Votée en 2010 et entrée en vigueur en 2013 après moult débats, cette loi a toujours été honnie par les républicains, qui la voient comme une nationalisation du système de santé.
«Système pourri»
Pourtant, l’Obamacare, ou «Affordable Care Act» (ACA), n’a pas créé d’assurance publique mais a renforcé, en réalité, la régulation du marché privé des assurances. La loi visait surtout à simplifier l’accès à une couverture santé pour les citoyens perdus dans un secteur hautement concurrentiel. Pour cela, Obama a ouvert des marchés au niveau des Etats, où différentes offres d’assurances privées sont comparables facilement. Il a aussi étendu le programme public de santé pour les plus démunis, Medicaid, et 31 Etats sur 50 ont choisi d’appliquer cette extension.
Les résultats se sont vite fait sentir. Début 2016, 27,3 millions d'Américains n'avaient pas d'assurance, soit 21,3 millions de moins qu'en 2010, selon le Centre national de statistiques sur la santé. Obama l'a reconnu lors d'un discours donné en 2014 : «Cette loi n'est pas parfaite. […] Certaines parties devront encore être améliorées, […] mais l'Affordable Care Act est appelé à rester.»
Or le Parti républicain, qui a remporté lors des élections du 8 novembre la Maison Blanche et la majorité aux deux Chambres du Congrès, compte bien balayer pour de bon cette réforme. En mai 2015, Donald Trump avait promis qu'il ne ferait aucune coupe dans la sécurité sociale, Medicare et Medicaid inclus… tout en se prononçant en faveur de l'abrogation ou de l'amendement de la loi. Sur Twitter, le 3 janvier, le milliardaire qualifiait l'Obamacare de «système de santé pourri».
Pour revenir sur une telle réforme, déjà mise en place et sur laquelle comptent des millions d'Américains, le jeu des républicains va être risqué. Mercredi, dès le deuxième jour de session du 115e Congrès, le parti majoritaire lançait une résolution budgétaire pour démanteler des parties de l'Obamacare. En passant par le vote d'un texte budgétaire, les républicains se protègent d'une possible obstruction parlementaire des démocrates. Ces réformes ont un régime spécial et n'ont besoin que d'une majorité simple (c'est-à-dire la moitié des votants) pour passer dans les deux Chambres. Le vote est presque acquis. Au Sénat, les républicains ont 52 sièges sur 100, et à la Chambre des représentants, 241 sur 435. Les sénateurs débattront plusieurs jours la semaine prochaine, avant que la Chambre des représentants prenne le relais.
Menace
La victoire des républicains n’est pourtant pas assurée. La résolution budgétaire, présentée mercredi, prévoit l’augmentation du déficit public de 1 000 milliards de dollars (949 milliards d’euros) d’ici 2026, conséquence du découpage de l’Obamacare. Craignant la réaction de leurs électeurs, certains républicains pourraient ne pas approuver un tel creusement de la dette publique. Les démocrates comptent là-dessus. D’autant plus que leurs adversaires n’ont aucun plan pour remplacer le système d’assurance santé.
Pour pallier ce vide, la stratégie des républicains serait de supprimer certaines parties de la réforme immédiatement et retirer le reste après avoir trouvé un programme de substitution. Les subventions aux formules d’assurances, l’extension de Medicaid et l’obligation pour les entreprises et les particuliers de souscrire à une assurance santé seraient les premières mesures visées. Seulement, avec leur suppression, tout le système risque de s’effondrer. Les prix des assurances devaient déjà augmenter de 22 % en 2017. L’Obamacare ne fonctionne que si les personnes en bonne santé payent leur assurance au même prix que les autres pour équilibrer les coûts. C’est pour cela qu’Obama a imposé une amende d’au moins 695 dollars pour ceux qui refuseraient de s’assurer (à l’exception des personnes n’ayant pas les moyens de payer). La menace n’est, pour l’instant, pas assez efficace, ce qui provoque la montée des prix. La situation pourrait donc empirer avec la suppression de l’obligation d’assurance prévue par les républicains.
Attente d’un plan
De leur côté, les démocrates espèrent convaincre l'opinion publique de ces risques et ainsi faire pression sur les républicains les plus modérés. Mercredi, Barack Obama s'est rendu au Congrès, pour l'une de ses très rares visites, et a briefé ses troupes sur la question. Au même moment, le futur vice-président de Trump, Mike Pence, faisait de même, en promettant des «actions de l'exécutif immédiates», dès que Donald Trump sera investi le 20 janvier. Selon Pence, l'équipe de transition de ce dernier prépare des décrets présidentiels qui seraient publiés dès «le jour 1» du nouveau mandat pour «faciliter» la sortie de l'Obamacare.
Les démocrates ne comptent pas se laisser faire. Chuck Schumer, leader du parti au Sénat et traité de «clown» par Trump sur Twitter, a promis qu'ils n'aideraient pas les républicains à attaquer l'Obamacare : «Si vous l'abrogez, montrez-nous d'abord avec quoi vous le remplacerez. Nous examinerons ce plan et nous verrons alors ce que l'on peut faire.» Les Américains semblent de leur côté. D'après un sondage mené par la Kaiser Family Foundation, une organisation spécialisée dans les questions de santé publique, 47 % des répondants ne veulent pas que le Congrès vote le démembrement de la loi, et 28 % estiment qu'il faudrait attendre de trouver un autre plan. Seuls 20 % désirent un retrait immédiat de la réforme. Autre signe de leur soutien, 6,4 millions d'Américains ont souscrit, pour 2017, à une assurance santé via l'Obamacare, soit 400 000 de plus que l'an dernier. Le gouvernement a déclaré avoir observé un pic des connexions au lendemain de l'élection présidentielle. Au Congrès, cette semaine sera sans nul doute déterminante pour l'avenir du système de santé, alors qu'Obama fait ses adieux, mardi, au peuple américain.