Une marche de Berlin à Alep, sur les pas des réfugiés venus de Syrie en Allemagne, est en route depuis le 26 décembre pour tenter de sensibiliser l'opinion publique sur la situation de la population de l'ex-joyau historique. Sous la pluie et la neige, une centaine de personnes entendent mobiliser la société face à la guerre civile qui a fait plus de 300 000 victimes depuis cinq ans. A l'origine de l'initiative : Anna Alboth, journaliste et activiste polonaise, qui compte bien traverser l'Europe, rejoindre la Turquie et tenter de rentrer en Syrie via les zones désormais libérées par les Kurdes. Un parcours de 3 600 kilomètres que le groupe voudrait terminer avant l'été. Les militants se trouvaient ce lundi soir à Libouchec, en République tchèque, près de la frontière allemande.
With the help of many kind people, we secured basic indoor sleeping for our next German stops! Will you join us? #CivilMarchForAleppo pic.twitter.com/y1Ptwyd2aB
— CivilMarchForAleppo (@AleppoMarch) January 6, 2017
Le projet s'est dessiné juste après l'attentat au marché de Noël à Berlin, qui a fait 12 morts et 48 blessés. Originaires du Portugal, de France, de Turquie, d'Afghanistan, du Japon, du Danemark, d'Arménie ou de Syrie, les organisateurs entendent transmettre un message de tolérance. Et de résilience. «Il y a une volonté d'instrumentaliser l'attentat, explique à Libération Sebastien Olinyi, entrepreneur de 23 ans et l'un des initiateurs de la marche. La peur ne peut pas faire oublier les valeurs pour lesquelles on se bat. On sait que notre marche a quelque chose d'utopique, mais on ne connaît pas d'autres moyens pour réagir.» Pour Olinyi, ses parents ont valeur d'exemple : «Mon père et ses amis manifestaient dans les années 80 pour la réunification de l'Allemagne. Mais que fait ma génération pour changer les choses en Syrie ? Elle doit pousser les responsables politiques à tout faire pour tenter de trouver une solution diplomate» au désastre.
You're asking where you can join us on the way. The route with starting and ending points is here - https://t.co/JSPOUga5Q4 pic.twitter.com/LHN9ym2hM0
— CivilMarchForAleppo (@AleppoMarch) December 25, 2016
Civil march for Alep rêve de mobiliser des citoyens de part et d’autres des frontières, au-delà des simples manifestations dans des villes. Elle s’inspire aussi de la caravane pacifique entre Trieste et Sarajevo lors de la guerre en ex-Yougoslavie en 1991, qui avait mobilisé une chaîne humaine de 400 personnes. Ou tentent aussi de capitaliser sur les manifestations au même moment dans plusieurs du monde en 2003 contre la guerre en Irak. S’ils utilisent les réseaux sociaux, les jeunes activistes ne peuvent s’en contenter.
Anna Alboth s'est ainsi lancée dans ce périple après avoir vu passer en boucle des images de la tragédie syrienne sur Facebook. Mais «on ne peut pas continuer à regarder ce qui se passe sans rien faire», dit-elle. L'activiste, 30 ans, avait déjà défrayé la chronique en 2010, avec son projet «Family without borders», dans lequel elle avait multiplié les voyages dans le monde, avec ses deux jeunes enfants et son conjoint. Puis, lors de l'afflux massif de réfugiés en Allemagne en 2015, elle a commencé à faire du bénévolat avec les réfugiés en Allemagne. «C'est là que j'ai décidé qu'il était nécessaire de transformer la rage en action», a expliqué Alboth, avant de partir, dans une vidéo publiée sur Youtube.
Plateformes et crowdfunding
La marche prévoit des pauses de quelques jours dans les villes pour multiplier des prises de paroles et des happenings. Ce 5 janvier, Olinyi et ses compagnons ont par exemple organisé une rencontre avec des étudiants ou ont répondu aux questions d'enfants. Et cherchent toujours des nouveaux militants pour renforcer le groupe. «On ne veut pas seulement marcher, explique Marta, mais aussi organiser des débats, informer, interroger.»
We keep on #walking. It is already 5 days behind us! Thank you for walking and supporting #CivilMarchForAleppo. Tonight we are in Luckau. pic.twitter.com/D6HtzhquL0
— CivilMarchForAleppo (@AleppoMarch) December 30, 2016
La marche n'est pas la seule manifestation de solidarité pour tenter de fédérer une prise de conscience citoyenne. Lancé en 2015, Refugee Welcome est ainsi une plateforme allemande qui permet de proposer un hébergement à domicile pour les réfugiés. Né en Allemagne, le réseau s'est désormais élargi à d'autres pays, au Portugal ou en Irlande. Jakob Schoen et Lena Waldhoff sont eux allés plus loin avec l'organisation Jugend Rettet : via du crowdfunding, ils ont acheté un bateau pour sauver les migrants pris au piège de la mer Méditerranée, où plus de 5 000 d'entre eux ont péri l'an passé. En Italie, Amici dei bambini prend de son côté en charge le soin d'enfants parvenus en Europe sans leurs parents. En France, Comme à la Maison, une plateforme en ligne, met en contact réfugiés et résidents qui peuvent les aider pour trouver du travail et un accueil de trois à douze mois. Enfin, en Hongrie, où le régime très autoritaire d'Orbán mène une politique très répressive contre les migrants, un groupe de citoyens a créé «The secret kitchen», qui fournit des repas aux réfugiés qui tentent de survivre dans la rue.