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Libération
Vu des Etats-Unis

Le message d'optimisme du discours d'adieu d'Obama

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Dans un vibrant discours d’adieu, Barack Obama a affiché sa foi inébranlable en l’Amérique, tout en mettant en garde contre les menaces qui pèsent sur elle, à quelques jours de l'investiture de Donald Trump.
Barack et Michelle Obama lors du discours d'adieu du président démocrate à Chicago, le 10 janvier. (Photo Scott Olson. AFP)
publié le 11 janvier 2017 à 8h52

Il avait rêvé d'un autre clap de fin. L'histoire semblait d'ailleurs écrite depuis des mois : victoire d'Hillary Clinton, paisible transition et départ la tête haute, avec le sentiment du devoir accompli et la certitude de voir son héritage préservé. Au lieu de ça, Barack Obama laissera dans une dizaine de jours les clés de la Maison Blanche à Donald Trump, qui promet de jouer à chamboule-tout avec les politiques de son prédécesseur. Dans son discours d'adieu, le 44e président des Etats-Unis a appelé les citoyens à se mobiliser pour défendre l'Amérique et ses valeurs. «La démocratie peut flancher lorsque nous cédons à la peur», a-t-il mis en garde. Pas question pour autant d'abandonner le message d'optimisme et d'espoir qui l'avaient porté au pouvoir en 2008. «Après huit ans, j'y crois toujours !», a martelé l'ancien sénateur de l'Illinois dans son fief de Chicago.

Home Sweet Home

Pour tirer sa révérence, Barack Obama avait choisi le McCormick Place, le plus grand centre de conférence du pays, là où il avait célébré en novembre 2012 sa seconde victoire présidentielle. Samedi à l'aube, des milliers d'habitants de Chicago avaient fait la queue dans un froid polaire pour obtenir l'un des billets d'accès distribués gratuitement. De nombreux collaborateurs du président - actuels et anciens - se trouvaient également dans la salle. Face à cette foule enthousiaste de près de 20 000 fidèles, Barack Obama a défendu son bilan sous les applaudissements. Certains piliers, à commencer par sa réforme de l'assurance-maladie, ne survivront sans doute pas à la tornade Trump. Mais le président sortant a rappelé que la liste des réussites était longue : relance de l'économie, sauvetage de l'industrie automobile, baisse historique du chômage, rapprochement avec Cuba, accord sur le nucléaire iranien, généralisation du mariage homosexuel, accord de Paris sur le climat, mort de Ben Laden, etc.

La menace Trump

Barack Obama n'a prononcé son nom qu'une seule fois - pour souligner l'importance d'une transition pacifique du pouvoir - mais entre les lignes, Donald Trump était partout. Et notamment dans cette petite pique : «Quand nous faisons deux pas en avant, nous avons souvent l'impression ensuite de faire un pas en arrière», a dit Obama, assimilant la victoire du magnat de l'immobilier à un recul de la cause progressiste. Avec le ton professoral qu'il affectionne, le président sortant a systématiquement pris le contre-pied des positions de son successeur, lui reprochant implicitement de menacer les fondements de l'Amérique. Barack Obama a insisté notamment sur l'apport positif de l'immigration, sur l'importance d'une presse libre, sur l'interdiction de la torture et des discriminations religieuses. Sur le sujet du changement climatique, le président sortant a vivement critiqué ceux qui (comme Donald Trump) ignorent délibérément «la science et la raison». «Nier le problème revient non seulement à trahir les générations futures, mais aussi à trahir l'esprit d'innovation et de recherche de solutions qui ont guidé nos fondateurs», a-t-il lancé.

«Les coeurs doivent changer»

Premier président noir de l'histoire des Etats-Unis, Barack Obama a admis que son arrivée à la Maison Blanche avait généré des espoirs démesurés : «Après mon élection, on parlait d'une Amérique post-raciale. Une telle vision, même si bien intentionnée, n'a jamais été réaliste. La question de la race demeure une force puissante et souvent clivante dans notre société.» Huit ans après son arrivée, une majorité d'Américains estime que les relations raciales dans le pays se sont détériorées. Barack Obama, à qui une partie de la communauté noire reproche de s'être trop peu exprimé sur ce sujet au cours de ses deux mandats, a appelé chaque Américain à se «mettre à la place» des autres. Il a par exemple souligné que «l'homme blanc d'un certain âge» qui, aux yeux de certaines minorités, semble «avoir des privilèges», peut aussi être une victime du «changement économique, culturel et technologique». Une allusion directe aux électeurs blancs à de la classe ouvrière, notamment dans le Midwest industriel, qui ont déserté le parti démocrate et donné la victoire à Donald Trump.

Agir plutôt que subir

A l'aube de l'ère Trump, Barack Obama refuse de céder aux sirènes du pessimisme, persuadé que la jeunesse continuera de faire avancer la société américaine. «Je quitte la scène ce soir plus optimiste au sujet de ce pays que je ne l'ai jamais été, a-t-il lancé. Cette génération qui arrive - désintéressée, altruiste, créative, patriotique -, vous croyez en une Amérique juste et inclusive. Vous savez que le changement constant est l'une des marques de fabrique de l'Amérique. Vous serez bientôt plus nombreux que nous et par conséquent, je pense que le futur est entre de bonnes mains».

Conscient du choc, voire du dégoût suscité chez certains, et notamment chez les jeunes démocrates, par la victoire de Donald Trump, Barack Obama les a appelés à se mobiliser et à «accepter les responsabilités» liées à la citoyenneté. «Si vous êtes déçus par vos élus, attrapez un bloc-notes, obtenez des signatures et présentez-vous à une élection», a suggéré le président.

Un moment de grâce

«Michelle LaVaughn Robinson». Lorsque Barack Obama, en fin de discours, s'est adressée à la First Lady par son nom de jeune fille, le couple présidentiel s'est laissé gagner par l'émotion. Lui debout sur scène, elle assise au premier rang. «Tu m'as rendu fier et tu as rendu le pays fier», a lancé le président, les larmes aux yeux, avant de rendre hommage à leurs deux filles, Malia, en larmes à côté de sa mère, et Sasha, étrangement absente. «De tout ce que j'ai fait dans ma vie, ma plus grande fierté est d'être votre père», a dit Barack Obama. Plus populaire que jamais, les époux Obama s'apprêtent à tirer leur révérence, laissant derrière eux un parti démocrate en pleine débâcle qui rêve d'une candidature de Michelle Obama en 2020.