Des Etats-Unis aux Pays-Bas, en passant par la Finlande ou la Suisse, le revenu universel alimente le débat public. Solution iconoclaste pour lutter contre la pauvreté ou fausse bonne idée qui éloigne de l’emploi, retour sur les expérimentations passées, en cours et à venir d’un revenu de base garanti pour tous, transposable à notre système social et économique.
Aux Etats-Unis : enterré
Quatre projets de revenu de base ont été testés entre 1968 et 1972, à Seattle ou à Denver notamment, sous le nom de «guaranteed annual income» («revenu annuel garanti»). Les résultats (lire pages 2-3) révèlent une baisse de l'effort de travail au sein des bénéficiaires (de 5 % à 25 % selon les familles) et l'amélioration du niveau d'éducation, avec de meilleurs résultats scolaires et un allongement de la durée des études. C'est précisément ce que peut apporter un revenu de base garanti, perçu comme un outil d'émancipation qui favorise la limitation du temps de travail pour pratiquer d'autres activités. Mais faute de financement et de volonté politique, les projets ont finalement été enterrés.
En Suisse : rejeté
En juin, les Suisses ont largement voté contre (76,4 %) l’idée d’un revenu universel de 2 270 euros par mois. Au-delà du coût financier de la mesure, évalué par le Conseil fédéral à 153 milliards d’euros (soit 26 % du PIB suisse), le débat a surtout porté sur la valeur travail dans un pays où le taux de pauvreté est inférieur à 7 % et où l’Etat providence est relativement généreux.
En Finlande : lancé
La Finlande cherche des solutions pour diminuer son taux de chômage proche des 10 %. Depuis le 1er janvier et pour deux ans, le pays scandinave teste la mesure sur un échantillon de 2 000 demandeurs d'emploi. Ils perçoivent un revenu garanti de 560 euros par mois. L'allocation n'est pas qu'une aide à l'insertion car elle continue d'être versée même si le bénéficiaire reprend un travail rémunéré. Le test grandeur nature coûtera 7 millions d'euros, et sa généralisation reviendrait à 15 milliards d'euros par an à l'Etat finlandais. Politiquement, les conservateurs sont opposés à un revenu universel et, selon plusieurs sondages, seulement 35 % des Finlandais y seraient favorables. Difficile dans ces conditions de généraliser une telle mesure.
Aux Pays-Bas : en piste
Toujours sous la forme de l'expérimentation, plusieurs villes des Pays-Bas, dont Utrecht, ont lancé au 1er janvier le versement d'un revenu universel de 900 euros par mois par personne seule, et de 1 300 euros par famille. Dans la quatrième ville du pays, l'expérience socio-économique concerne plus de 500 personnes, tirées au sort parmi les 9 800 bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Le principe est de comparer les effets du revenu inconditionnel, qui peut être cumulé avec un salaire, avec le système classique des allocations sociales, soumises à conditions. De nombreux observateurs craignent une augmentation de la fiscalité pour financer cette aide, mais les Néerlandais sont globalement favorables à un revenu universel qui apporte plus d'égalité entre les citoyens et permet un changement de perception de ceux qui bénéficient déjà des aides sociales de l'Etat.
Au Canada : en réflexion
De 1974 à 1979, le Canada a testé dans l’Etat du Manitoba un revenu universel via le programme «Mincome». Dans la ville de Dauphin, l’expérimentation portait sur 10 000 personnes, et les effets constatés furent bénéfiques en termes de santé et d’éducation. Le revenu de base a entraîné une diminution de 8,5 % des hospitalisations et, comme aux Etats-Unis, a libéré du temps pour permettre aux bénéficiaires d’obtenir une formation professionnelle ou d’allonger la durée des études. En effet, le revenu de base offre la possibilité de se lancer plus facilement dans une activité dont le montant du salaire est incertain. Le projet a été arrêté, mais il est en passe d’être relancé. L’Ontario réfléchit quant à lui depuis février 2016 à distribuer une somme fixe mensuelle en remplacement des allocations d’Etat. Dans la foulée, le Premier ministre du Québec a lui aussi annoncé la mise en place d’un chantier de réflexion autour de l’idée, tout comme le gouvernement fédéral, dirigé par le libéral Justin Trudeau.