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Analyse

L’Allemagne plus centrale que jamais

Pour les Européens, Merkel est en position de sauver l’Europe. Mais Berlin n’entend pas changer sa politique budgétaire.
Angela Merkel, samedi à Perl (Allemagne de l'Ouest). (Photo Oliver Dietze. AFP)
publié le 17 janvier 2017 à 20h26

«Enfin la Grande-Bretagne a apporté un peu de clarté» sur le Brexit… Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, n'a pas caché son soulagement, mardi, après les propos de Theresa May (lire page 3). Berlin pressait depuis des mois la Grande-Bretagne d'enclencher le processus des négociations en vue de sa prochaine sortie de l'Union européenne. Vis-à-vis du Brexit, l'Allemagne a toujours opté pour la ligne dure. «Dehors, c'est dehors», répète le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, opposé à tout traitement de faveur type accord UE-Suisse qui garantirait l'accès de la Grande-Bretagne au marché commun sans concessions britanniques sur la libre circulation des personnes.

«Angela Merkel va tenir cette ligne dure, y compris vis-à-vis des milieux d'affaires allemands», estime Sebastian Dullien, du think tank European Council on Foreign Research. Lundi, la chancelière, qui s'adressait à un parterre d'hommes d'affaires allemands, a demandé aux patrons leur soutien sur le dossier britannique.  «Politiques et milieux d'affaires doivent agir main dans la main, a-t-elle dit. Car s'il apparaît qu'un pays peut obtenir un accès au marché commun [sans concessions], c'est l'ensemble du marché commun qui sera menacé, car chaque pays sera tenté de prendre la cerise sur le gâteau…»

Ilot de stabilité

Theresa May et le Brexit, Donald Trump et ses attaques contre l'Otan et l'UE… L'Allemagne d'Angela Merkel fait de plus en plus figure d'îlot de stabilité au sein d'une Union européenne dans la tempête. Au point que Donald Trump, qui, comme l'écrit le quotidien Süddeutsche Zeitung, semble vouloir «diviser l'Europe», s'en prend à la chancelière lorsqu'il s'adresse aux Européens via une interview au Bild. Et que les Européens semblent plus que jamais attendre d'Angela Merkel qu'elle «sauve» l'Europe.

«Le poids de l'Allemagne au sein de l'UE s'est renforcé du fait du départ prochain de la Grande-Bretagne et de la stabilité politique en République fédérale, constate Bernhard Stahl, spécialiste de politique internationale à l'université de Passau. Angela Merkel pourrait donc avoir tous les attributs nécessaires pour "sauver" l'Europe. Mais elle a un problème : son manque de vision européenne. Elle pourrait diriger la barque. Mais elle ne sait pas où mène le voyage.»

Profondément européenne, «Angela Merkel fera tout ce qui est en son pouvoir pour sauver l'Europe, croit Sebastian Dullien. Mais pour elle, l'Europe n'est pas menacée parce que la Grande-Bretagne a choisi de sortir. Quant à l'euro, on a l'impression d'avoir déjà fait tout ce qu'il fallait pour le sauver. En Allemagne, vous ne trouverez pratiquement pas un économiste pour juger qu'on a besoin d'un plan de relance européen.»

Ligne rouge

Vu de Berlin, l’économie européenne se serait déjà stabilisée. L’Espagne va mieux, la France frémit, et si l’Italie stagne, ce serait davantage lié à un manque de réformes qu’à l’absence d’un plan de relance européen. Investir l’argent du contribuable pour relancer la croissance en Europe, voilà une ligne rouge qu’Angela Merkel et son ministre des Finances ne sont toujours pas prêts à franchir.