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Obama et la société : LGBT, parité, cannabis... des causes à effets

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De la lutte pour le féminisme et contre l'homophobie à la légalisation de la marijuana, Barack Obama a beaucoup œuvré sur les sujets de société.
Deux couples célèbrent devant la Maison Blanche la décision de la Cour Suprême d'autoriser le mariage gay dans tous les Etats des Etats-Unis. (Photo Michael S. Williamson. The Washington Post/Getty Images)
publié le 18 janvier 2017 à 9h40

Cet article a été publié fin octobre dans notre supplément «Obama Blues».

Novembre 2015  : «shooté» en noir et blanc, le visage éclairé par l'empathie, les yeux un rien plissés, Barack Obama pose en une de Out, mensuel phare de la communauté homo. Une première pour un président américain. Sous la gueule d'ange gay friendly de «Barry», ce titre : «Notre président, allié, héros, icône». Rien que ça.

Jeudi 4 août : Barack Obama fête ses 55 ans en troussant un éditorial dans la version américaine du magazine féminin Glamour. Cette fois-ci, autre pan de son progressisme social, c'est à un manifeste féministe qu'il se livre. S'agace que «l'on continue à trouver incroyable qu'un homme change une couche». Salue celles qui se sont battues pour passer d'une «poignée d'emplois sous-payés» à des positions dominantes. Et loue les progrès accomplis pour la vie des femmes «ces cent, cinquante et même ces huit dernières années». ­Comprendre : sous sa présidence. Trop cool, cet Obama  ? Affirmatif. Surtout quand on se souvient qu'en sus, il ne s'est jamais caché d'avoir tâté de la marijuana et de la cocaïne (dans sa jeunesse ­s'entend). LGBT, féminisme, came. Les voilà les dossiers de société qui souvent servent de jauges lorsque l'on évalue le progressisme d'une poli­tique. A ce petit jeu, et à l'heure du bilan, «Barry» a ­par-dessus tout des arguments à faire ­valoir auprès des gays.

«Tous plus libres»

D'accord, certains n'ont peut-être pas oublié qu'en 2008, il en était encore à déclarer «je crois que le mariage, c'est entre un homme et une femme. Pour moi, en tant que chrétien, il s'agit d'une union sacrée». Mais l'homme a fait du chemin. Au trou le décret tartuffe de Bill Clinton sur les gays dans l'armée, imposant la règle du «don't ask, don't tell» («ne rien demander, ne rien dire»). Mais surtout, en 2012, Barack Obama fait du mariage entre homos une promesse de campagne. Et c'est peu dire que lorsqu'en juin 2015, quand la Cour suprême dit «oui» au mariage gay pour tous (il n'était jusque-là autorisé que dans 36 Etats sur 50), il ne boude pas sa joie  : «Victoire historique pour l'Amé­rique. […] Lorsque tous les Américains sont traités de manière égale, nous sommes tous plus libres.»

Dans la foulée de la décision de la Cour suprême, la Maison Blanche arbore les couleurs de l’arc-en-ciel. Obama ne lésine pas sur les symboles. A nouveau, en juin dernier, il promeut le site des émeutes de Stonewall à New York au rang de monument national. Là où avaient éclaté, en 1969, des échauffourées après une descente de police en pleine nuit pour faire appliquer une loi qui interdisait, à l’époque, la vente d’alcool aux homos. C’est là que les LGBT ont, en 2015, célébré l’adoption du mariage pour tous. Là aussi que par milliers ils se sont rassemblés le 12 juin dernier après le massacre de 49 personnes dans un bar gay d’Orlando. Autre geste qui restera. En juin 2015, la Maison ­Blanche se flattait de l’embauche «histo­rique» (oui encore) d’une employée ­transsexuelle. Une première.

Avec les femmes, Obama s'est aussi fait caressant, mettant à loisir en scène son côté «j'aime les filles» (les siennes, sa femme, sa mère, sa grand-mère, sa belle-mère…). Mais concrètement  ? Le 1er décembre 2008, le nouvel élu nomme Hillary Clinton secrétaire d'Etat des Etats-Unis. Le geste est salué. Il enchaîne et propulse Valerie Jarrett au Bureau ­exécutif du président, où elle devient une des principales conseillères de la Maison Blanche. Il crée aussi un nouveau poste d'ambassadrice itinérante chargée des ­problèmes que les femmes rencontrent dans le monde. Son nom  : Melanne Verveer. Et puis la première loi qu'il signe, en 2009 (loi Lilly-Ledbetter sur l'égalité salariale), facilite l'engagement de procédures judiciaires lorsque des salariées sont victimes de discriminations basées sur le sexe, l'âge, la race ou la religion. Bravo  ? Il peut aussi se flatter d'avoir créé un Conseil de la Maison Blanche sur la condition des femmes et des filles, chargé notamment de s'assurer que les organismes fédéraux s'acquittent de leur mission en ce qui concerne l'élimination de la violence liée au genre.

N’empêche, «Obama Superman» est vivement critiqué au début de son second mandat, après la publication d’une photo montrant ses plus proches conseillers. Oups  : il n’y a pas une femme sur l’image. Il met alors les bouchées doubles. Et v’lan, voilà une femme (Janet Yellen) à la tête de la Réserve fédérale américaine, la Fed. Et bim, voici Samantha Power ambassadrice auprès des Nations unies ou encore Susan Rice nommée conseillère à la sécurité nationale. En cette fin de mandat, la parité est parfaite au sein de son staff rapproché ­(contre deux tiers d’hommes pendant le premier mandat).

«Pas plus dangereux que l’alcool»

Au fond, c’est sur la question drogue, et précisément sur la légalisation du cannabis, que l’ex-fumeur de ganja s’est ­contenté de changer de ton (père la morale) par rapport à ses prédécesseurs. En 2014, la vente de cannabis est auto­risée au Colorado et dans l’Etat de Washington, tandis que New York accepte l’usage médical de cette drogue, comme 20 autres Etats. Barack Obama, qui s’est jusqu’alors prudemment tenu à l’écart des débats, sauf à rappeler que le FBI a d’autres choses à faire que de courir derrière les fumeurs, se confie à l’influent magazine The New Yorker.

Le «cannabis président»  ? «Je ne pense pas que ce soit plus dangereux que l'alcool», déclare-t-il tout en rappelant que la fumette ce «n'est pas très sain». S'il prend soin de ne pas se prononcer pour une légalisation, il souhaite que les expé­riences du Colorado et de l'Etat de Washington «aillent de l'avant», pour ensuite regretter que les jeunes des minorités pauvres de son pays soient davantage susceptibles d'être condamnés à la prison pour avoir fumé de l'herbe que les jeunes des milieux ­riches. Du pur Obama. Fumant sur les discriminations.