Menu
Libération
Enlisement

Giulio Regeni, entre Egypte et Italie, un an de mystère

La société civile se mobilise en Italie pour réclamer la vérité sur la torture et l'assassinat de l'étudiant italien au Caire.
A man holds a placard during a vigil to commemorate Giulio Regeni, who was found murdered in Cairo a year ago, in downtown Rome, Italy January 25, 2017. REUTERS/Tony Gentile (REUTERS)
publié le 26 janvier 2017 à 14h02

«Nous avons passé une année horrible, un voyage dans l'horreur. On veut savoir qui et pourquoi a torturé à mort notre enfant.» Un an après le meurtre de Giulio Regeni, étudiant italien qui se trouvait en Egypte pour l'université de Cambridge, ses parents et toute l'Italie se mobilisent afin que l'enquête avance enfin. Le 3 février 2016, dix jours après sa disparition au Caire, le corps du doctorant de 28 ans avait été retrouvé au bord d'une autoroute. L'autopsie avait démontré qu'il avait succombé à au moins sept jours de torture.

Dès le début de l’enquête, les investigateurs italiens ont dénoncé des difficultés à obtenir des informations. Durant des des mois, le régime du président Abdel Fatah al-Sissi a donné différentes explications du drame : de l’accident de voiture à l’agression criminelle pour des raisons personnelles en passant par une affaire d'espionnage.

La diffusion, ce lundi à la télévision égyptienne, d'une vidéo montrant Giulio Regeni juste avant sa disparition a relancé la polémique. Selon les enquêteurs, les images ont été enregistrées avec une caméra cachée par Mohammed Abdullah, un homme à la tête d’un des syndicats de vendeurs ambulants, sujet de la thèse du jeune chercheur. On y voit l’Italien refuser, en arabe, de donner l’argent de sa bourse de recherche à son interlocuteur, qui lui réclame pour soigner sa femme. A la fin du rendez-vous, Mohammed Abdullah appelle l'Agence nationale de sécurité (l’organisme qui réunit la police et les services de renseignements égyptiens). Selon l'hypothèse des autorités italiennes, Abdullah aurait depuis des semaines espionné Regeni pour la police égyptienne.

Après un an, on ne connait toujours pas officiellement ni le mobile, ni les auteurs du meurtre. L'ONG Amnesty international a lancé une campagne pour faire pression sur les deux pays, dénonçant aussi le climat de répression général en Egypte. Le gouvernement italien a jusque-là été accusé d'être trop prudent sur le sujet pour ne pas entamer les relations économiques avec l'Egypte. A part le rappel, il y a huit mois, de l'ambassadeur italien au Caire Maurizio Massari – jamais remplacé –, rien n'a été fait.

Mercredi soir, à 19h40, heure à laquelle, le 25 janvier 2016, Giulio est sorti de chez lui au Caire pour ne plus jamais y retourner, une retraite aux flambeaux a été organisée dans plusieurs villes d'Italie par Amnesty international. Une manifestation est également programmée à Paris le 3 février. Dans la journée, pour la première fois, le Conseil supérieur de la magistrature italien a pris position sur le sujet dans un communiqué officiel, signé de son président, Giovanni Legnini : «Les autorités égyptiennes doivent faire tout ce qu'elles sont obligées de faire et qu'elles ne sont pas en train de faire. Il faut que les obstacles à l'enquête soient éliminés.» De son côté, le Premier ministre Paolo Gentiloni a affirmé sur Twitter que Rome ferait tous les efforts nécessaires pour obtenir la vérité. Il serait temps.