Donald Trump, tout juste investi 45e président des Etats-Unis, pourra-t-il mener à bien ses promesses ? Rapprochement avec la Russie, interdiction de l'entrée des musulmans sur le territoire, rétablissement de la torture via la simulation de noyade («waterboarding»)… Si le Président les a encouragés à «s'exprimer librement», ses 23 futurs lieutenants, qui pour la plupart l'ont activement soutenu pendant la campagne présidentielle, n'ont eu de cesse de le contredire lors des auditions de confirmation qui se tiennent au Sénat depuis le 10 janvier.
Hypocrisie ou réelle intention d'imposer leur patte ? Difficile de trancher. Mais comme le révèle Politico, l'autonomie de ces secrétaires d'Etat pourrait de toute façon être toute relative. La Maison Blanche serait, en effet, en train d'installer à la tête des agences fédérales de hauts conseillers tout-puissants chargés de faire le lien avec Donald Trump. Ce qui permettrait également, selon Politico, de garder un œil sur les agences où le Président ne serait pas personnellement proche des secrétaires.
Sur l’interdiction de l’entrée des musulmans aux Etats-Unis
Ce que Donald Trump a dit
Sur son site Internet, Donald Trump, alors candidat aux primaires républicaines, avait appelé le 7 décembre 2015 à «l'arrêt total et complet de l'entrée des musulmans aux Etats-Unis, jusqu'à ce que les représentants de notre pays soient en mesure de savoir ce qui se passe». Cette annonce faisait suite à la fusillade de San Bernardino en Californie, perpétrée le 2 décembre 2015 contre un centre social par un couple radicalisé. L'attaque avait fait 14 morts. Le 10 novembre 2016, après la victoire du milliardaire face à Hillary Clinton, le communiqué avait disparu, pour «des raisons techniques», avant de réapparaître quelques heures plus tard.
Ce que Jeff Sessions a dit
Auditionné le 10 janvier devant le Sénat, le futur ministre de la Justice, Jeff Sessions, est revenu sur cette promesse de campagne. «Je ne crois pas et je ne soutiens pas l'idée que les musulmans, en tant que groupe religieux, devraient être interdits d'entrée aux Etats-Unis», a-t-il déclaré. «Nous avons de grands citoyens musulmans, ils ont contribué de tant de façons différentes et [les Américains] sont de grands croyants en la liberté religieuse et le droit des gens à exercer leurs croyances religieuses», a-t-il ajouté, tout en précisant que Trump avait depuis clarifié sa position : la restriction devrait porter sur l'immigration provenant de pays qui soutiennent le terrorisme et non sur les musulmans.
"Do you agree with the President-elect that the U.S can or should deny entry to members of a particular religion?" #SessionsHearing pic.twitter.com/Cwf0Pj72NL
— CSPAN (@cspan) January 10, 2017
Selon le Washington Post, le Président pourrait d'ici la fin de la semaine signer un décret interdisant pendant trente jours la délivrance de visas américains à des ressortissants d'Irak, d'Iran, de Libye, de Somalie, du Soudan, de Syrie et du Yémen, des pays à majorité musulmane. Les résidents de ces pays ne se voient déjà que rarement accorder des visas américains, note le quotidien.
Sur l’avortement
Ce que Donald Trump a dit
«Je suis pro-vie, les juges [de la Cour Suprême, ndlr] seront pro-vie», avait clamé le 13 novembre le président tout juste élu, lors de sa première interview dans l'émission 60 Minutes de CBS. Il avait également affirmé que si la Cour suprême renversait l'arrêt historique «Roe v. Wade», qui a légalisé en 1973 l'avortement à l'échelle nationale, la question de l'IVG reviendrait alors à chaque Etat.
Ce que Jeff Sessions a dit
Bien qu'il qualifie l'arrêt «Roe v. Wade» d'erreur «colossale», Jeff Sessions, pourtant opposé lui aussi à l'avortement, a promis lors de son audition devant le Sénat de «respecter» la loi.
Sur la torture
La simulation de noyade, ou waterboarding, a été remise au goût du jour sous George W. Bush après les attentats du 11-Septembre, et largement utilisée dans les interrogatoires de la CIA. Barack Obama avait interdit cette «technique» moyenâgeuse, qualifiée de torture par les Nations unies, dès son arrivée au pouvoir en 2009.
Ce que Donald Trump a dit
«Je pense que le waterboarding, c'est de la gnognotte par rapport à ce qu'ils nous font. Je le rétablirai», avait déclaré Donald Trump, alors candidat à l'investiture républicaine, le 22 novembre 2015 dans l'émission This Week diffusée sur la chaîne ABC. «Ce qu'ils nous font, ce qu'ils ont fait à James Foley [journaliste américain exécuté par l'Etat islamique en 2014, ndlr] quand ils lui ont coupé la tête, c'est un tout autre niveau et je voudrais absolument instaurer le retour de l'interrogatoire, et l'interrogatoire musclé». Une promesse réitérée dès le lendemain lors d'un meeting dans l'Ohio. «Est-ce que j'approuverais le waterboarding ? Tu parles que je vais le faire. En un clin d'œil. J'approuverai plus que cela. Ça marche». Avant d'ajouter : «Et si ça ne marche pas, ils le méritent de toute façon pour ce qu'ils nous font.»
Plus récemment, dans une interview donnée à ABC le 26 janvier, Trump a confirmé sa volonté de réintroduire cette pratique pour lutter contre l'Etat islamique. Les terroristes «décapitent les citoyens au Moyen-Orient parce qu'ils sont chrétiens ou musulmans ou quoi que ce soit d'autre… Nous avons le waterboarding, et nous ne sommes pas autorisés à faire quoi que ce soit. Nous ne jouons pas sur un terrain égal», a-t-il défendu, annonçant qu'il allait discuter de ce dossier avec Mike Pompeo, à la tête de la CIA, et James Matthis à la Défense.
President Trump on waterboarding: “I feel it works,” but will rely on team’s guidance and do everything “legally." https://t.co/89o6NhpsWh pic.twitter.com/vWoL5W2ycc
— ABC News (@ABC) January 26, 2017
Ce que Jeff Sessions a dit
Nommé pour devenir le prochain attorney general des Etats-Unis, Jeff Sessions a là aussi pris le contre-pied de son patron. L'usage de la torture serait «absolument inapproprié et illégal», a-t-il jugé au cours de son audition devant le Sénat le 10 janvier.
.@SenWhitehouse asks #Sessions: "Does waterboarding constitute torture?" #SessionsHearing pic.twitter.com/5kaXtDJhkQ
— CSPAN (@cspan) January 10, 2017
Ce que John Kelly a dit
Celui qui est désormais secrétaire à la Sécurité intérieure a déclaré lors de son audition qu'il respecterait «absolument» les lois américaines interdisant l'utilisation du waterboarding et d'autres formes de torture.
Ce que Mike Pompeo a dit
Mike Pompeo, confirmé à la tête de la CIA, entretient quant à lui le doute sur ce qu'il pense réellement de cette pratique. Lors de son audition de confirmation au Sénat le 12 janvier, il a indiqué qu'il ne rétablirait «absolument pas» des techniques d'interrogatoire musclées comme le waterboarding. Ajoutant qu'il ne «pouvait imaginer» que le Président pourrait le lui demander. Or, dans une série de réponses écrites aux questions du comité du Sénat sur le renseignement, il avait affirmé qu'il reviendrait sur l'interdiction de cette méthode de torture si elle s'avérait entraver la «collecte d'informations vitales».
.@SenFeinstein asks CIA Director Nominee Rep. Mike #Pompeo about enhanced interrogation techniques. pic.twitter.com/VBYGiyy102
— CSPAN (@cspan) January 12, 2017
Pompeo s'est montré par le passé favorable à cette technique. Dans un communiqué publié sur son site web en septembre 2014, il avait critiqué Obama pour avoir interdit en 2009 l'utilisation du waterboarding. En 2015, il avait déclaré, devant une commission sénatoriale, que ceux qui avaient recours au waterboarding étaient «des patriotes, pas des tortionnaires».
Sur le changement climatique et le retrait de l’accord de Paris sur le climat
Ce que Donald Trump a dit
«Le changement climatique est un canular inventé par la Chine pour nuire à la compétitivité des Etats-Unis», clamait le milliardaire sur Twitter en 2012.
En janvier 2016, interrogé par Fox News, il revenait sur ses propos en assurant qu'il s'agissait d'une «blague». Mais ajoutait quand même que le changement climatique était «juste une forme très, très coûteuse d'impôt.»
Après avoir promis durant toute sa campagne de retirer les Etats-Unis de l'accord de Paris, entré en vigueur le 4 novembre, le Président a ensuite, dans un entretien avec la rédaction du New York Times le 22 novembre, dit «garder l'esprit ouvert» à ce sujet. Interrogé sur le lien entre changement climatique et activité humaine, Trump a, depuis son élection, fait quelques progrès : «Je pense qu'il y a un lien», a-t-il admis dans ce même entretien, avant de réitérer le même argument économique. «Cela dépend aussi de combien cela va coûter à nos entreprises. Vous devez bien comprendre, maintenant, nos entreprises ne sont pas compétitives».
Ce que Scott Pruitt a dit
«Je ne pense pas que le changement climatique est un canular», a simplement indiqué le futur Monsieur Environnement, Scott Pruitt, lors de son audition devant le Sénat le 18 janvier.
.@SenMarkey asks @EPA Administrator Nominee Scott #Pruitt: "Do you agree that global warming is a hoax?" pic.twitter.com/vdH0R98s2t
— CSPAN (@cspan) January 18, 2017
Ce que Rex Tillerson a dit
Rex Tillerson s'est livré à un véritable jeu d'équilibriste lors de son audition devant le Sénat le 12 janvier. «Le risque du changement climatique existe» et «des mesures doivent être prises», affirme-t-il. Reste que l'ancien PDG de la compagnie pétrolière ExxonMobil sous-estime le rôle de l'homme et l'urgence climatique. «L'augmentation de la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère a des effets» mais «notre capacité à prédire ces effets reste limitée», a-t-il convenu.
Sur l'accord de Paris, Tillerson rompt néanmoins avec la position de Trump. «Nous devons garder un siège à la table des négociations internationales, appelle-t-il. Ce problème requiert une réponse globale. Aucun pays ne peut le résoudre seul.»
Ce que Rick Perry a dit
Ancien gouverneur du Texas et climato-sceptique affiché, Rick Perry admet que «le climat change», et s'interroge sur «comment y remédier de façon réfléchie, en ne compromettant pas la croissance économique, l'accessabilité à l'énergie et les emplois américains».
.@SenSanders questions Rick Perry on #ClimateChange and Global Warming. pic.twitter.com/SL776bUPCf
— CSPAN (@cspan) January 19, 2017
Sur la Russie
Ce que Donald Trump a dit
Le milliardaire, qui prône un rapprochement avec Moscou, a exprimé plusieurs fois son admiration pour le chef du Kremlin, saluant son «intelligence» et considérant, lors de sa première conférence de presse le 11 janvier, comme un «atout» le fait que Poutine l'apprécie. En pleine campagne, il appelait même les Russes à «retrouver les 30 000 mails manquants» de la «crooked» (malhonnête) Hillary Clinton. Interrogé le 27 juillet lors d'une conférence de presse sur la reconnaissance de la Crimée (annexée en 2014 par la Russie) et la levée des sanctions américaines, Trump affirmait alors : «Nous allons examiner cela.»
Ce que Rex Tillerson a dit
Pourtant proche du Kremlin lorsqu'il était à la tête d'ExxonMobil (il avait reçu en 2012 «l'Ordre de l'amitié» de la main de Poutine), Rex Tillerson, 64 ans, a, lors de son audition devant le Sénat, étonnamment rompu avec cette ligne. «La Russie représente aujourd'hui un danger», a-t-il jugé, condamnant le fait que Moscou ait «envahi l'Ukraine en s'emparant de la Crimée et apporté son soutien aux forces syriennes qui ont violé avec une grande brutalité les lois de la guerre». «Nos alliés au sein de l'Otan ont raison de s'inquiéter de la résurgence de la Russie», a ajouté Tillerson, critiquant le manque de leadership des Etats-Unis lors de la crise ukrainienne et appelant à une «réponse vigoureuse» des Etats-Unis. Le futur secrétaire d'Etat s'est toutefois gardé de qualifier Poutine de «criminel de guerre», comme le sous-entendait le sénateur de Floride, Marco Rubio, en référence à la situation en Syrie.
Rex #Tillerson on #Russia: "We sent weak or mixed signals with red lines that turned in to green lights." pic.twitter.com/81ErhR5z28
— CSPAN (@cspan) January 11, 2017