D’un côté, des ressources énergétiques et minières colossales (pétrole, gaz, diamant) et, tant que le prix du baril flambe, un taux de croissance annuel qui fait pâlir d’envie la planète. De l’autre, plus de 20 millions de pauvres sur une population de 27 millions d’Angolais, et une mortalité infantile parmi les plus élevées au monde : selon l’Unicef, un enfant sur cinq n’atteindra jamais l’âge de 5 ans. Voilà pour la photographie du pays que s’apprête à lâcher José Eduardo Dos Santos, 74 ans, dont la moitié comme président. Lâcher n’est peut-être pas le mot qui convient : en plaçant ses proches aux postes clés de l’économie, Dos Santos s’est assuré que le pillage des ressources n’échappe pas à son clan.
Fortune
Arrivé au pouvoir en 1979, à la mort d'Agostinho Neto, père de l'indépendance acquise en 1975, José Eduardo Dos Santos a longtemps affiché un profil marxiste, aligné sur Moscou. Il a reçu l'aide militaire de Cuba (350 000 hommes) dans la guerre civile qui a opposé son parti, la Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) à l'Unita de Jonas Savimbi, allié de l'Afrique du Sud pendant l'apartheid. La fin du conflit, en 2002, a créé les conditions du décollage économique du pays, désormais deuxième producteur d'or noir du continent (après le Nigeria) et troisième économie (après l'Afrique du Sud et le Nigeria). Isabel Dos Santos, fille aînée du Président, russe par sa mère, est la femme la plus riche d'Afrique, selonForbes, qui évalue sa fortune à 3,1 milliards d'euros. Celle que les Angolais appellent «la Princesse» possède Unitel, principal opérateur télécom. Depuis janvier, elle est l'actionnaire majoritaire de la banque BFA. Et dans un système où le public et le privé s'imbriquent étroitement, elle a été nommée en 2016 à la tête de la Société nationale des hydrocarbures (Sonangol), qui assure un tiers du PIB.
Fracture
Isabel n’est pas la seule des sept enfants présidentiels officiellement reconnus à faire fortune à l’ombre du pouvoir. José Filomeno Dos Santos dirige un fonds d’investissement de plusieurs milliards de dollars censé financer le développement du pays. La médiatique Welwitschia Dos Santos, dite «Tchizé», dirige la deuxième chaîne de télé publique, TPA 2, et deux magazines people. Quant au jeune José Paulino Dos Santos, il monopolise avec sa société de production Semba Comunicação les commandes d’Etat en matière de publicité institutionnelle. Il est en outre chanteur sous le pseudo Coreon Dú, et s’est impliqué dans la promotion à l’export du kuduro, le trépidant afro-funk angolais.
Pendant ce temps, les conditions de vie de la population ne cessent de se dégrader, parallèlement à la chute des cours du pétrole. Au printemps 2016, la conférence des évêques angolais dénonçait la paupérisation croissante, le délabrement du système de santé, l’inflation galopante et l’urgence humanitaire dans le sud du pays, à la région frontalière namibienne, où sévit depuis 2011 une sécheresse catastrophique. Réduire cette fracture devrait être la priorité du prochain président, le ministre de la Défense, João Lourenço. Mais on ne peut guère attendre d’un fidèle du MPLA la moindre remise en cause de la kleptocratie institutionnalisée des Dos Santos.