Même si certains le contestent, la Turquie n'est déjà plus une «démocrature» - comme on appelle ces démocraties devenues régimes autoritaires - mais bien une dictature. Comment appeler autrement un pays qui ne rend plus la justice équitablement, qui musèle ses journalistes et ses écrivains, et emprisonne ses fonctionnaires par milliers ? Comment appeler autrement un pays où le président s'arrogerait les pleins pouvoirs et où les militaires seraient à ce point sous pression que certains chercheraient à obtenir l'asile politique dans les pays où ils sont basés ? Le virage pris par le «sultan» Erdogan est si dangereux que les responsables de l'Otan vont devoir tôt ou tard se poser la question du maintien de la Turquie au sein de l'Alliance. «Jusqu'à quand les pays de l'Otan vont-ils faire semblant de ne rien voir ? s'interroge Nicole Gnesoto, présidente de l'Institut des hautes études de défense nationale et experte des questions européennes. Combien de temps vont-ils attendre avant de déclarer que l'évolution de la Turquie vers la dictature est contraire à l'article 2 de l'Otan ?» Pour mémoire, l'article 2 du traité de l'Atlantique Nord stipule entre autres que «les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales en renforçant leurs libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels ces institutions sont fondées et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien-être». La Turquie ne correspond plus à cette description idyllique du partenaire type, et la Grèce voisine commence d'ailleurs à s'en inquiéter. Le problème, c'est qu'Erdogan nous tient, nous Occidentaux, via un accord signé avec Bruxelles en 2016 pour freiner l'afflux de réfugiés en Europe. Entre relapolitik et minimum syndical démocratique, il va falloir trouver un équilibre décent.
Éditorial
Virage
publié le 13 février 2017 à 20h36
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