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Libération
Éditorial

Critique

Les membres du Parlement européen le 15 février à Strasbourg. (Photo Frédérick Florin. AFP)
publié le 15 février 2017 à 20h46

Il y a dans les instances mondiales ou européennes un fétichisme du libre-échange qui finit par indisposer les peuples les plus ouverts. En théorie, depuis Ricardo, la «spécialisation internationale» est censée favoriser une plus grande prospérité pour tous. Ce mécanisme a certainement fonctionné par le passé, notamment au profit des pays émergents, qui ont grandement bénéficié de la mondialisation économique. Mais depuis une ou deux décennies, les résultats de la libre circulation des marchandises sont souvent douteux, notamment en Europe. La croissance y est lente, le pouvoir d’achat stagnant dans beaucoup de pays et les destructions d’emplois régulières. Les défenseurs du Ceta, que vient de ratifier le Parlement européen, promettent monts et merveilles pour l’emploi. En fait, quand on y regarde de plus près, les créations d’emplois annoncées sont diffuses et incertaines, tandis que la concurrence brutale exercée à l’encontre de beaucoup de producteurs risque de frapper durement certaines régions ou certains secteurs, comme l’élevage. Si l’on ajoute à ce tableau l’introduction d’un mécanisme d’arbitrage extravagant qui mettra les grandes multinationales en mesure de faire condamner des Etats démocratiques et souverains, on comprend les réticences exprimées par beaucoup de forces politiques et par nombre de citoyens. Le texte, auquel le Canada de Justin Trudeau tient beaucoup, doit maintenant être soumis à l’approbation des Parlements nationaux. Pour éviter les réactions à la Trump, qui entraîneraient le monde entier dans une dangereuse surenchère protectionniste, il leur appartient, dans les domaines qui touchent à la souveraineté élémentaire, à la santé, à l’environnement ou à la lutte contre le dérèglement climatique, d’exercer leur droit de regard critique, quitte à amender sérieusement la version actuelle du traité.