Les débats sont agités, depuis la semaine dernière, à la Chambre des communes canadienne. Libéraux et conservateurs s'opposent sur la nécessité, ou non, de parler d'«islamophobie» dans une motion au gouvernement. Le terme dérange les conservateurs.
Présentée en décembre par la députée Iqra Khalid, la motion libérale dite M-103, soutenue par le gouvernement de Justin Trudeau, était d'abord passée inaperçue. Etant une initiative parlementaire, elle ne devrait être votée que dans quelques semaines, voire mois. Mais le parti conservateur (PCC), actuellement dans l'opposition, a décidé de riposter dès maintenant. Ses représentants ont proposé une «contre-motion», discutée en Chambre depuis la semaine dernière et déboutée mardi.
Un désaccord sur la forme
Les deux partis s'entendent pour dénoncer le racisme systémique, mais les conservateurs refusent, eux, de mettre en avant les attaques contre les musulmans. La motion M-103, à laquelle ils s'opposent, stipule que : «Le gouvernement devrait […] condamner l'islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques.» Les conservateurs préfèrent une autre formulation et proposent que la Chambre «condamne toutes formes de racisme systémique, d'intolérance religieuse et de discrimination à l'égard des musulmans, des juifs, des chrétiens, des sikhs, des hindous et des autres communautés religieuses».
Certains conservateurs affirment que passer la motion libérale signifierait «qu'on ne pourrait pas critiquer l'islam mais qu'on pourrait critiquer peut-être d'autres religions», comme l'a déclaré Alan Rayes, député PCC de Québec, à Radio-Canada. Mélanie Joly, ministre du patrimoine canadien, explique elle que «pour nous [le Parti libéral, ndlr], le terme d'islamophobie est extrêmement important parce que c'est une communauté qui est actuellement particulièrement ciblée».
Un climat tendu depuis plusieurs mois
Les dissensions qui opposent les deux principaux partis du pays sont dénoncées par deux formations de gauche : le Nouveau parti démocratique et le Parti vert. Les deux partis ont annoncé qu’ils voteraient en faveur des deux motions. Des représentants des communautés musulmanes regrettent aussi que les élus n’arrivent pas à s’entendre sur une telle question fondamentale.
Le débat politique n'a pas lieu, en ce moment, par hasard. Depuis lundi, Alexandre Bissonnette, l'auteur présumé d'une fusillade dans la grande mosquée de Québec, comparaît devant la justice. Le 29 janvier, il avait ouvert le feu dans le Centre culturel islamique de Sainte-Foy, en pleine prière, et avait tué six personnes et blessé cinq autres. Le jeune homme n'a pas expliqué son geste mais était connu pour ses propos anti-immigration, et pour soutenir plusieurs partis d'extrême-droite, dont le Front national français.
Toujours au Québec, la mosquée de Sept-Iles a été vandalisée à plusieurs reprises, ces derniers mois, avant même son ouverture.