Après avoir accompli leur devoir électoral dimanche, les Equatoriens pensaient se coucher avec les idées claires sur leur prochain président: une élection dès le premier tour de Lenin Moreno, le candidat soutenu par Rafael Correa, le médiatique chef de l’Etat sortant, ou un deuxième tour disputé entre la gauche et l’ex-banquier de droite Guillermo Lasso. C'est cette dernière hypothèse que privilégiait mardi le Conseil national électoral (CNE), en communiquant des chiffres partiels prenant en compte 95% des votes. Au grand soulagement de l'opposition qui avait crié à la tentative de fraude en apprenant que la proclamation du résultat définitif n'interviendrait que jeudi, quatre jours après le vote.
L’ancien vice-président Lenin Moreno, candidat d’Alliance Pays (AP), était crédité de 39,3% des voix face à Guillermo Lasso, du mouvement conservateur Créer des opportunités (Creo), 28,2%, selon les résultats partiels. Le comptage des derniers 5% ne devrait pas permettre au candidat du pouvoir de passer la barre des 40%, synonyme de victoire dès le premier tour. Le second tour, le 2 avril, s'annonce pour le moins incertain : l’ex-députée conservatrice Cynthia Viteri, arrivée troisième avec 16,1% selon les résultats partiels, a appelé à voter pour Lasso.
Le dollar, monnaie nationale
Quoi qu'il arrive, l'Equateur tournera la page Correa, le président qui ne se représentait pas après dix ans au pouvoir. Et qui laisse ce petit pays andin de 16 millions d'habitants modernisé, avec des inégalités sociales réduites, mais en proie à la crise économique. Les généreuses politiques sociales du gouvernement se heurtent depuis 2013 à la baisse des revenus tirés du pétrole, et les exportations (bananes, café) sont freinées par la remontée du dollar américain, seule monnaie en circulation dans le pays depuis l'abandon de sa devise, le sucre, en 2000.
L'issue définitive du premier tour apparaît aussi déterminante pour la gauche latino-américaine, affaiblie par les virages conservateurs récents de l'Argentine, du Brésil et du Pérou. Avec le scrutin se joue aussi le sort de Julian Assange, réfugié depuis 2012 à l'ambassade équatorienne à Londres, sous le coup d'une demande d'extradition en Suède pour un viol présumé. «Nous allons réviser l'asile» accordé au fondateur de WikiLeaks, a réaffirmé Lasso, ajoutant que «l'ambassade d'Equateur n'est pas un hôtel».
Fraude et carnaval
Exigeant des résultats transparents, des centaines de partisans de Lasso s'étaient rassemblés lundi et mardi devant le Conseil national électoral, avant que son président Juan Pablo Pozo n'informe d'un second tour quasi certain. Pendant deux jours, les soupçons de fraude ont été abondamment relayés sur les réseaux sociaux. Guillermo Lasso avait même lancé à ses supporters, lundi : «Ça sent mauvais. Comment peut-on prendre trois jours pour dépouiller 12% des votes?» Un appel avait même été lancé à suspendre les festivités du carnaval, qui doivent commencer cette semaine, tant que le deuxième tour n'était pas confirmé.
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— VictoriaGreen (@VictoriaMistral) February 21, 2017