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Libération
Irak

L'aéroport tombé, la reprise de Mossoul est loin d'être terminée

La bataille de Mossouldossier
Les forces irakiennes auraient repris jeudi l’aéroport de Mossoul à l’Etat islamique. Mais il leur reste à libérer les quartiers Ouest de la ville, où au moins 2 000 jihadistes seraient encore présents.
Les forces irakiennes entrent dans l'aéroport de Mossoul le 23 février 2017. (Photo Ahmad al-Rubaye. AFP)
publié le 23 février 2017 à 18h17

Il n’a fallu que quelques heures aux forces irakiennes pour reprendre jeudi l’aéroport de Mossoul à l’Etat islamique, selon la télévision d'Etat. Face aux jihadistes, les hommes des Forces d’intervention rapide, qui dépendent du ministère de l’Intérieur, et les policiers irakiens étaient appuyés par des avions, des drones et des hélicoptères de la coalition internationale. Des soldats des forces spéciales américaines étaient également déployés.

L’offensive a débuté dimanche. Progressant par le sud, les soldats et policiers irakiens se sont emparés facilement d’une quinzaine de villages. Ils se sont heurtés à plus de résistance à Abou Saïf, une bourgade située sur une colline. Ils ont ensuite pu descendre vers l’aéroport désaffecté.

3 000 hommes blessés ou tués

Les forces irakiennes sont désormais en position pour lancer l’assaut sur les quartiers Ouest de Mossoul. Ce sont les unités du contre-terrorisme (CTS) qui devraient s’en charger. Jeudi, elles ont pénétré dans la base militaire de Ghazalni, à proximité de l’aéroport. Formées et équipées par les Etats-Unis, elles étaient déjà en première ligne lors de l’offensive qui a permis de chasser les jihadistes de la partie orientale de Mossoul. Les combats acharnés ont duré trois mois. Les jihadistes ont fait exploser des centaines de voitures piégées. Des snipers étaient positionnés sur les toits des maisons. Environ la moitié des 3 000 hommes des CTS mobilisés ont été blessés ou tués.

S'emparer de l'ouest de Mossoul sera probablement encore plus difficile. Ses quartiers sont plus densément peuplés que ceux situés de l'autre côté du Tigre, qui coupe la ville en deux. L'ONU estime qu'il reste environ 750 000 habitants, dont près d'une moitié d'enfants. Dans la vieille ville, les ruelles sont trop étroites pour que les blindés puissent circuler. Dans les quartiers Est, les forces irakiennes sécurisaient leur progression en montant des talus de terre avec des bulldozers. Les combats devront donc se faire maison par maison. Les soldats s'attendent à ce que les jihadistes circulent d'une maison à l'autre, passant par des trous creusés entre des habitations mitoyennes, invisibles depuis la rue.

«Contrôle qualité» des armes 

L'EI a eu le temps de se préparer. Depuis qu'il a pris le contrôle de Mossoul en juin 2014 et proclamé son «califat», il a fabriqué quantité d'armes, des mortiers, des roquettes, des mines artisanales, et même des drones. Dans un rapport publié en décembre 2016, l'organisation britannique Conflict Armement Research (CAR) estime que ses moyens de production à Mossoul sont de niveau industriel. L'EI a été jusqu'à créer une instance spécialisée, «l'organisation centrale pour la standardisation et le contrôle qualité», pour fixer des normes et s'assurer de la viabilité des munitions fabriquées. Les approvisionnements, notamment en produits chimiques, sont robustes. L'essentiel provient de Turquie. «La population a aussi été mise à contribution. Des détonateurs pouvaient être fabriqués dans une maison, alors que la famille voisine se chargeait par exemple de fixer la poudre explosive», note un chercheur spécialiste de l'Irak.

Le système, rodé, est efficace. Les enquêteurs de CAR, présents dans les quartiers Est de Mossoul en novembre 2016, ont noté que les obus de mortiers qu’ils ont retrouvés avaient été fabriqués un mois plus tôt. Au total, l’EI a pu fabriquer plusieurs dizaines de milliers d’obus et de roquettes à Mossoul, affirment-ils. D’après les responsables de services de renseignements américains, il resterait environ 2 000 jihadistes pour les utiliser. L’estimation est à relativiser, l’EI pouvant continuer à recruter durant l’offensive.

«La fin de l’injustice est proche»

Alors que les forces irakiennes sont prêtes à lancer l'assaut, un avion militaire a largué mercredi soir des milliers de lettres écrites par des habitants de Mossoul-Est. «Soyez patients et aidez-vous les uns les autres […] La fin de l'injustice est proche», dit l'une d'elles. «Restez chez vous et coopérez avec les forces de sécurité. Ce sont vos frères, venus pour vous libérer», affirme une autre. D'après des témoignages recueillis par l'AFP, la situation humanitaire est catastrophique. La nourriture manque et les hôpitaux sont fermés aux civils. «Les maladies dues à la malnutrition touchent toutes les tranches d'âge, mais les enfants sont particulièrement affectés», s'est alarmé Maurizio Crivallero, directeur de l'ONG Save the Children en Irak.