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Libération
Standing Rock

Contre le Dakota Access Pipeline, des tipis chez Trump

De nombreux militants amérindiens et environnementaux se réunissent le 10 mars, pour une grande marche à Washington DC, afin de lutter contre la mise en service d'un oléoduc, dans le Dakota du Nord.
Des tipis installés près du Washington Monument à Washington DC, le 7 mars. (Photo Nicolas Kamm. AFP)
publié le 10 mars 2017 à 7h20

L’image est symbolique. Depuis plusieurs jours, des tentes indiennes ont été dressées sur le Mall, l’esplanade en plein cœur de Washington DC, qui va du Capitole au Washington Monument. Ce 10 mars, des centaines, peut-être des milliers de manifestants amérindiens et environnementalistes vont marcher côte à côte dans les rues de la capitale pour demander l’arrêt de la construction du pipeline Dakota Access pipeline (DAPL) dans le Dakota du Nord.

Long de 1 885 kilomètres, l’oléoduc doit transporter du pétrole des grandes plaines du nord du pays jusqu’à l’Illinois, en passant près de la réserve sioux de Standing Rock. Depuis le mois d’avril, plus de 200 tribus autochtones se mobilisent pour que le projet soit arrêté. Coûtant 3,8 milliards de dollars, cet oléoduc, abouti à plus de 90%, aurait déjà détruit plusieurs sites sacrés sioux et risquerait de polluer l’eau de la rivière Missouri. Energy Transfer Partners, l’entreprise en charge de la construction, n’attendait plus qu’une dernière autorisation du corps d’armée, propriétaire du terrain, pour achever le projet. Elle leur a été délivrée début février. Le tuyau est maintenant quasiment terminé. Le pétrole pourrait y circuler dès la semaine prochaine.

«Mni Wiconi», l’eau c’est la vie

Rapidement, les Sioux de Standing Rock et Cheyenne River se sont alliés pour attaquer cette décision devant la justice, et faire en sorte que le projet soit arrêté en attendant que le tribunal rende sa décision finale. Ils ont été déboutés. Mardi, le juge fédéral a estimé que le fonctionnement du DAPL ne mettait pas en danger leur droit à un libre exercice de leur religion, garanti par la Constitution. Les Sioux estiment que c’est pourtant le cas. Leurs rites traditionnels nécessitent une eau pure car sacrée.

Le camp, installé à Standing Rock depuis plusieurs mois, a été évacué le 22 février pacifiquement. Les militants sont cette semaine à Washington D.C. pour continuer leur combat. Ils n'espèrent pas réellement un sursaut de l'administration Trump, mais viennent surtout sensibiliser les élus du Congrès à leur cause. Selon la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les Amérindiens doivent être consultés pour les projets d'infrastructures les concernant. Les représentants sioux, à Washington, demandent que le consentement des communautés amérindiennes devienne obligatoire. Ils pourraient ainsi bloquer des projets qui portent atteinte à leur sécurité, comme le DAPL.

«Nous devons apprendre de nos erreurs»

Pour James Robideau, homme-médecine Lakota et ancien militant de l'American Indian movement (AIM), le gouvernement a commis un acte illégal en réprimant le mouvement de résistance à Standing Rock. «Le droit à manifester est inscrit dans le premier amendement de la Constitution, interpelle l'activiste, rencontré par Libération lors de son passage à Paris, ce mercredi. Les autorités de l'Etat du Dakota du Nord ont violé la constitution. Nous devons maintenant nous battre afin que le gouvernement soit tenu responsable devant la justice pour ne pas avoir respecté sa propre constitution.» L'activiste pacifiste voit dans la mobilisation autour de Standing Rock, la continuation du mouvement de résistance amérindien débuté dans les années 1970, auquel il a participé.

En 1973, plusieurs centaines de militants amérindiens s'étaient regroupées dans la réserve de Pine Ridge, à Wounded knee, dans le Dakota du sud. En grande partie des membres de l'AIM, ils demandaient que les traités signés à la fin du XIXe siècle entre les Indiens et le gouvernement américain soient renégociés et respectés. Des violences ont éclaté, faisant plusieurs morts dans les deux camps. Les Indiens ont fini par déposer les armes.

«Nous devons apprendre de nos erreurs et reconnaître qu'il faut nous battre avec des prières et non avec des fusils.» Les militants de Standing Rock ont, jusqu'à maintenant, respecté cet appel à l'action pacifique. Cela malgré la répression violente à laquelle ils ont été confrontés de la part de la Garde nationale, déployée par l'Etat du Dakota du Nord, et les dizaines d'arrestations qui ont suivi.

Des banques françaises impliquées dans le projet

«Nous concentrons nos efforts sur le désinvestissement de ces projets pétroliers», explique Cassady Craighill de Greenpeace Etats-Unis. Ces actions se sont exportées de l'autre côté de l'Atlantique via les ONG 350.org, les Amis de la Terre et I-Boycott. Elles visent les banques BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale et Natixis, qui ont des fonds investis directement dans le Dakota Access pipeline, ou dans les entreprises qui le construisent, Energy Transfer Partners et Energy Transfer Equity.

450 millions de dollars pour la BNP Paribas qui assure être «engagée à respecter les normes les plus rigoureuses» dans les projets qu'elle finance. 120 millions de dollars pour le Crédit agricole dans un prêt pour l'oléoduc. La banque «tient à préciser qu'en l'absence de décision contraire de la justice américaine, elle ne dispose pas, à ce stade, de leviers lui permettant d'exprimer de nouvelles demandes ou conditions vis-à-vis des emprunteurs».

La Société générale, qui a investi le même montant, insiste sur le fait que ces fonds ne concernent que le projet de pipeline DAPL et non l'entreprise qui le construit. On «ne peut pas se retirer du projet, compte tenu de [nos] engagements contractuels dans le financement aux côtés d'autres banques françaises et internationales, précise-t-on à la Société générale. Il n'est donc pas légalement possible de se désengager à ce stade». Ils rappellent n'avoir pris aucun engagement visant à ne plus financer de projet de construction d'oléoducs. La banque Natixis, qui a également investi 180 millions de dollars dans le projet et dans les entreprises impliquées, n'a pas, pour l'heure, répondu aux sollicitations de Libération.