Molham Ekaidy n’oubliera pas le 22 décembre 2016. Depuis deux mois, il y pense sans cesse. Il ressasse son humiliation, son énervement, son désespoir. Molham Ekaidy, 28 ans, était l’un des commandants de Fastakim, une brigade rebelle de l’Armée syrienne libre (ASL), dans les quartiers Est d’Alep. Le 22 décembre, il a dû quitter la ville, celle où il est né et a grandi. Il était dans le dernier convoi d’évacuation. Le régime syrien et ses alliés avaient gagné. «Je me sentais malade dans ce convoi. Tout se mélangeait : la tristesse, l’inquiétude pour ma famille, le sentiment d’avoir trahi les habitants, d’avoir été incapable de les protéger. Nous avons été lâchés par la communauté internationale, mais nous avons commis tant d’erreurs», dit-il dans un café de Gaziantep, dans le sud de la Turquie. Les rebelles syriens n’ont pas seulement perdu à Alep-Est l’hiver dernier. Ils n’ont pas été écrasés que par les bombardements syriens et russes. Ils se sont effondrés. Victimes d’eux-mêmes, de leurs méfiances, de leurs divisions. Abandonnés par leurs soutiens étrangers, ils l’ont aussi été par les habitants paniqués. A l’été 2016, alors que le siège se refermait, ils pensaient tenir un an, voire deux. Ils savaient qu’ils perdraient, mais pas aussi vite.
Champ de pommes de terre
Rebelles et habitants s'étaient pourtant préparés. Depuis la mi-2012, la ville était coupée en deux. A l'ouest, les quartiers tenus par le régime, à l'est, ceux de l'opposition. Les bo