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Mémoire

Génocide rwandais: Le pape François demande pardon pour l'Eglise

Le pape François a «imploré à nouveau le pardon de Dieu pour les péchés et manquements de l'Eglise et ses membres» durant le génocide rwandais de 1994, lors d'une audience lundi avec Paul Kagame, président du Rwanda, a indiqué le Vatican.
Le pape François et le président rwandais Paul Kagame au Vatican, le 20 mars. (Photo Tony Gentile. Reuters)
publié le 20 mars 2017 à 19h19

C’est un geste inédit et inattendu. Dans un communiqué, ce lundi, le pape François a demandé pardon pour l’implication de l’Eglise catholique dans le génocide des Tutsi, commis au Rwanda entre avril et juillet 1994. Près d’un million de personnes ont été tuées, Tutsi et Hutu opposés aux massacres. Soit les trois quarts des Tutsi de l’époque, bien souvent laissés sans sépulture. Des militaires, des policiers, des miliciens et de simples civils, souvent catholiques, assassinèrent d’autres catholiques. Et parfois, voire souvent, s’ils n’étaient pas assassinés comme les autres, des prêtres et des sœurs participèrent à cette vaste entreprise d’élimination.

La visite à Rome du président rwandais, Paul Kagame, était déjà une première. Consacrée «aux relations bilatérales entre le Rwanda et le Vatican», elle a pris un tour historique pour ce pays très chrétien, où l'Eglise catholique romaine est désormais concurrencée par les protestants et par les évangélistes. En avril 2014, le pape François appelait déjà les évêques rwandais à la «réconciliation nationale», quelques jours avant la vingtième commémoration de ce qu'il avait appelé «l'épouvantable génocide». En novembre 2016, l'Eglise catholique rwandaise s'excusait de la participation de chrétiens aux massacres, mais parlait, comme Jean Paul II, de cas individuels. Cette fois, le Pape a «exprimé sa profonde tristesse, et celle du Saint-Siège et de l'Eglise, pour le génocide des Tutsi» et «imploré le pardon de Dieu pour les péchés et les fautes de l'Eglise et de ses membres, dont des prêtres, et des hommes et des femmes religieux qui ont succombé à la haine et à la violence, trahissant leur propre mission évangélique». «Ces fautes ont défiguré le visage de l'Eglise» a-t-il ajouté.

Au pouvoir depuis l’indépendance, le régime extrémiste Hutu, confronté en 1990 à une rébellion menée par l’actuel président Paul Kagame, a pu compter sur le soutien de religieux, centraux dans la vie quotidienne des Rwandais et prêts à diffuser les théories racialistes anti-Tutsi. D’innombrables paroisses du Rwanda, fondées lors de la colonisation belge, portent les stigmates de l’ultime épisode de cette histoire. Comme celle de Nyamata, au centre du pays, où sont exposés des milliers d’ossements. D’autres traces, invisibles, restent terriblement présentes pour les 300 000 survivants. Celles qui hantent l’église Sainte-Famille, lieu de culte très fréquenté, mais aussi immense lieu de massacre à Kigali, la capitale ; ou encore celles qui ont longtemps hanté l’église de Nyange, dans le sud-ouest. Le prêtre, Athanase Seromba, y rassembla 1 500 Tutsi avant de donner l’ordre de l’abattre au bulldozer. Longtemps interdite au culte, elle a été remplacée par un nouvel édifice.

Premier prêtre jugé par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), Athanase Seromba a été condamné à la prison à vie en 2008. D'autres ont été jugés par les tribunaux populaires rwandais gacaca. C'est loin d'être le cas de tous les religieux suspectés. Nombre d'entre eux ont trouvé refuge à l'étranger, notamment en France.