Des élections anticipées en Israël ? Peut-être, mais pas tout de suite. Du moins pas avant le retour à la fin de la semaine de Benyamin Nétanyahou, actuellement en voyage officiel en Chine. Dans les couloirs de la Knesset court en effet depuis plusieurs semaines la rumeur selon laquelle le gouvernement pourrait tomber rapidement. Et que des élections se tiendraient au début de 2018, un an avant la fin de l’actuelle législature (2019). Même s’ils n’y croient pas vraiment, les partis se mettent donc en ordre de bataille, louent les services de «conseillers stratégiques» et organisent leurs primaires plus tôt que prévu. A priori, les Israéliens n’ont pourtant aucune raison de se rendre aux urnes. Sur le plan de la sécurité la situation est relativement stable, l’économie est florissante et le pays est en situation de plein-emploi. Mais les formations composant la majorité ne s’entendent sur rien. Ou presque.
Au sein du gouvernement, l’ambiance particulièrement tendue entre le ministre de la Défense Avigdor Lieberman (leader de l’extrême droite laïque) et son homologue de l’Education Naftali Bennett (chef de file de l’extrême droite nationaliste religieuse), lesquels s’insultent publiquement à propos de la présence des femmes dans les rangs de l’armée. Le premier estimant qu’elles ont le droit d’exercer des fonctions combattantes et le second, que leur place et à la cuisine et à la maternité, et que dans tous les cas, leur présence aux côtés de combattants confits de testostérone risque de distraire ces jeunes gens de leur mission.
Cigares cubains et champagne rosé
L’autre motif de tension – celui dont on parle plus en Israël – oppose Nétanyahou à son ministre des Finances Moshé Kahlon (droite modérée). Car durant la précédente législature, le Likoud a décidé de fermer la radiotélévision publique israélienne (IBA), prétextant qu’elle coûte cher, que le personnel y est pléthorique (1 200 personnes), et que son audience vole au ras des pâquerettes.
En réalité, Nétanyahou et ses proches ne supportent pas l’indépendance des journalistes de l’IBA. Encore moins leur ton persifleur lorsqu’il s’agissait de critiquer le pouvoir. Voilà pourquoi celui-ci veut enterrer l’IBA pour le remplacer par le «Taagid», une nouvelle corporation censée coûter moins cher et se montrer plus docile que la précédente. Un budget a donc été voté (200 millions d’euros par an, contre le double pour l’IBA), des studios ont été créés et quelques centaines de personnes engagées. Affaire classée ? Non, car Nétanyahou a changé d’avis la semaine dernière. Et décidé que l’IBA devait continuer à fonctionner alors que le «Taagid», qui est censé émettre à partir du 30 avril, est «totalement inutile ».
Or, le ministre Kahlon s’oppose à ce revirement, donc à Nétanyahou. Et celui-ci affirme qu’il est «prêt à aller aux élections» pour faire prévaloir son point de vue. A priori, faire tomber son propre gouvernement pour une futile question d’ego n’a aucun sens. Sauf que le leader du Likoud est fin tacticien. Il sait qu’une campagne électorale ferait passer au deuxième plan de l’actualité les trois enquêtes judiciaires le concernant, lui et son entourage. Plus particulièrement le «dossier 1000», qui risque de lui valoir une inculpation pour corruption dans moins d’un mois pour avoir sollicité des «cadeaux» (cigares cubains de prix, champagnes rosés, bijoux, voyages) d’au moins deux milliardaires en échange d’interventions diverses. Certes, Nétanyahou nie tout. Mais l’affaire est embarrassante et une campagne électorale interromprait les investigations durant de longs mois.