Jeudi, 11 h 25, centre-ville de Kiev. L’ex-député russe Denis Voronenkov est abattu devant un hôtel alors qu’il en sortait avec son garde du corps. Ce dernier, blessé, tire sur l’assaillant, qu’il touche grièvement. Le tireur est transporté à l’hôpital, où il est mort dans l’après-midi.
Député du Parti communiste russe entre 2011 et 2016, Denis Voronenkov, 45 ans, a fui Moscou avec son épouse, Maria Maksakova (députée du parti Russie unie), après avoir perdu les législatives à l'automne 2016. Installé à Kiev, le couple a obtenu la nationalité ukrainienne. Dès sa défection, le transfuge a collaboré avec les autorités de son pays d'accueil. «J'ai témoigné dans l'affaire de haute trahison de Ianoukovitch [l'ancien président ukrainien, chassé du pouvoir en 2014, ndlr], a claironné Voronenkov. Il est une marionnette. […] Sa requête de faire entrer l'armée russe [en Ukraine] était illégale.» A partir de ses déclarations et de celles d'un autre député russe en disgrâce, le procureur général d'Ukraine a ainsi conclu que le Kremlin avait mis en œuvre une intervention armée dès décembre 2013, au début de la contestation sur la place de l'Indépendance à Kiev. Voronenkov était donc un précieux témoin.
Il n’était pas connu pour son opposition à Moscou. Au contraire, lui et son épouse étaient plus pro-Kremlin que le Kremlin. Comme tout le monde, ils ont voté pour l’annexion de la Crimée en 2014. Denis Voronenkov a même cosigné une loi pénalisant les appels au séparatisme. Passé de l’autre côté, il a dit qu’on avait appuyé sur le bouton à sa place.
Son nom était par ailleurs associé ces dernières années à des affaires de corruption. Il a échappé à la justice grâce à ses contacts dans les services de sécurité. Mais les avis concordent : s'il a fui, c'est pour ne pas être jugé une fois privé de son immunité parlementaire. Mi-février, le Comité d'enquête russe a lancé contre lui un mandat d'arrêt fédéral, un avis de recherche Interpol, tandis qu'un tribunal moscovite a prononcé une arrestation par contumace. Voronenkov, lui, a justifié son exil par la nécessité de fuir le FSB (services secrets russes), qui aurait «commandité» les enquêtes criminelles contre lui.
Jeudi après-midi, il était attendu au parquet militaire pour une déposition dans l'affaire Ianoukovitch. Cet «assassinat perfide […] est un acte de terrorisme d'Etat de la part de la Russie», a déclaré le président ukrainien, Petro Porochenko. Le parquet général ukrainien envisage deux hypothèses : élimination d'un témoin dans l'affaire Ianoukovitch ou dans une autre concernant la contrebande par le FSB. Dans les deux cas, la participation de la Russie est indiscutable, selon la police. «Elucubrations», a rétorqué le Kremlin.