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Libération
Harcèlement

Une jeune musulmane témoin de l’attaque de Westminster devient la victime de la fachosphère

La fachosphère s'indigne du cliché d'une femme voilée, qu'une photo a montrée supposément indifférente aux victimes de l'attentat londonien.
Des fleurs en hommage aux victimes sur le pont de Westminster, à Londres, le 26 mars 2017. (Photo Daniel Leal-Olivas. AFP)
publié le 27 mars 2017 à 16h01

Quelques minutes après l'attaque de Westminster le 22 mars, une jeune femme a «décidé d'appeler [sa] famille pour dire [qu'elle allait] bien». A ce moment, une photo a été prise de la scène de l'attaque. On la voit au premier plan en train de regarder son portable, alors que d'autres passants s'affairent autour d'un homme au sol, blessé lors de l'attentat. Cette image a été abondamment relayée sur les réseaux sociaux. Et parce que la jeune femme en question porte un hijab, le cliché est devenu le symbole de la supposée indifférence d'une musulmane face à l'horreur terroriste qui vient de se dérouler faisant quatre morts et une cinquantaine de blessés.

«Terrible»

Qu'ils viennent du Royaume-Uni directement touché, de la France ou même des Etats-Unis de Trump, des commentaires islamophobes ont inondé les réseaux sociaux. Selon les internautes, elle était à mettre directement en cause. Supposément indifférente à l'attaque qui venait de se produire et montrant peu d'empathie pour la victime au sol, ses détracteurs en arrivent à penser qu'étant musulmane, elle cautionne probablement cet attentat. «On ne connaît pas l'histoire de cette femme, ce que cette femme voilée a fait auparavant mais vu comme ça (sic.) l'image est terrible» pouvait-on notamment lire sur Twitter quelques heures après l'attaque.

(Une femme musulmane indifférente à l'attaque terroriste, marche tranquillement à côté d'un homme mourant tout en utilisant son téléphone. #PriezPourLondres #Westminster #BannissezLislam)

Après deux jours de buzz, l'auteur de ce cliché a décidé de prendre la parole, et la défense de la jeune femme. Dans un entretien à la radio australienne ABC Jamie Lorriman, s'est dit «désolé pour cette femme parce que les gens se servent d'elle pour promouvoir leur haine». Contrairement à ce que de nombreux internautes ont pensé ou voulu faire croire, «elle avait l'air horrifiée, ajoute-t-il. Le choc absolu se lit sur son visage», sur toutes les photos de sa série, selon lui.

Visage flouté

Vendredi soir, c'était au tour de «la femme musulmane sur le pont Westminster», comme elle se qualifie elle-même pour préserver son anonymat, de prendre la parole. Par l'intermédiaire du collectif TellMAMA (Measuring Anti-Muslim Attacks), elle détaille «ce que l'image ne montre pas» : bien que choquée, elle avait parlé à d'autres témoins de la scène et proposé son aide aux secours.

C'est ensuite, qu'elle a «décidé d'appeler [sa] famille pour dire qu['elle] allai[t] bien». En plus du choc de la scène ultraviolente à laquelle elle a assisté, la jeune femme s'est dite tout aussi affaiblie en voyant sa photo relayée partout, même dans les médias les plus sérieux. Elle a demandé à voir son visage dorénavant flouté.

Pendant ce temps, certains internautes ont aussi pris sa défense : des passants ont été photographiés les mains dans les poches ou n'apportant pas directement leur secours aux victimes, et n'ont pas fait l'objet de telles attaques. Certains ont par ailleurs souligné que d'autres photos auraient pu illustrer la scène sans cette polémique.