Malgré une fracture du poignet et quelques vilaines coupures, l'international espagnol du club allemand Borussia Dortmund, Marc Bartra, peut s'estimer heureux d'avoir pu regarder le match de Ligue des champions opposant mercredi soir son équipe à l'AS Monaco. L'attaque du bus noir et jaune du BVB, qui a eu lieu mardi à 19 h 15 à quelques kilomètres du grand stade Signal Iduna Park de Dortmund, aurait en effet pu tourner au carnage. C'est ce qui ressort clairement des détails révélés mercredi après-midi par la porte-parole du parquet fédéral allemand qui a immédiatement pris en main les investigations. Selon la magistrate Frauke Köhler, c'est peu après son départ de l'hôtel que le bus transportant l'équipe (quatrième de la Bundesliga) a été secoué et endommagé par trois explosions. Les explosifs semblent avoir été dissimulés dans une haie le long de la route, et l'on ne sait pas encore par quel mécanisme ils ont été actionnés. Pourtant, si les bombes fabriquées sont de nature artisanale, les experts allemands sont formels : faire exploser une charge au passage d'un véhicule demande un minimum d'entraînement et de savoir-faire. Comme l'a précisé Frauke Köhler, les engins utilisés avaient une portée «explosive» de 100 mètres et contenaient «des tiges métalliques» qui ont été propulsées par la déflagration. Elles ont brisé les vitres du bus. L'une d'entre elles s'est fichée dans l'appuie-tête d'un siège, à l'intérieur du bus. Pour le parquet fédéral, plusieurs éléments plaident en faveur d'un acte terroriste islamiste. En effet, une feuille comportant des revendications de type jihadiste a été retrouvée en trois exemplaires sur les lieux de l'attentat. Le texte, qui démarre par le traditionnel Allah akbar, demande notamment que les six avions Tornado allemands qui effectuent des vols de reconnaissances au-dessus des sites syriens de l'Etat islamique (EI), à partir d'une base turque, soient immédiatement rapatriés. De même, les auteurs exigent que la base militaire américaine de Ramstein, près de Kaiserslautern, soit fermée. Le texte s'achève par l'annonce que cette «opération» n'est que le début d'une série d'attentats qui viseront des célébrités du sport, de la politique ou des arts, en Allemagne mais aussi dans «d'autres nations de croisés».
Arrestation. Pour l'expert en terrorisme Georg Mascolo, ce texte, ainsi que l'annonce par le parquet fédéral de l'arrestation d'un homme issu de la mouvance radicale, semblent indiquer une piste islamiste. Pourtant, « il est encore difficile de savoir à quel point ce texte est sérieux et si l'Etat islamique est l'instigateur de l'attaque. Car l'EI a l'habitude de revendiquer ses actions via les réseaux sociaux et non en laissant des feuilles volantes sur les lieux du crime… Par ailleurs, c'est bien la première fois que je vois l'EI intéressé par la fermeture de la base américaine de Ramstein. Je n'ai jamais entendu de telles revendications de leur part», a expliqué Georg Mascolo sur la première chaîne de télévision allemande, ARD.
Le ministre de l'Intérieur de la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie où se sont produites les explosions, Ralf Jäger, a affirmé que l'enquête se poursuivait dans toutes les directions : «Il peut s'agir d'extrémistes de gauche, d'extrémistes de droite, de fans violents ou d'islamistes», a-t-il indiqué. Bien que n'y croyant qu'à moitié, les services de sécurité explorent ces pistes car une autre lettre de revendication a été trouvée, cette fois sur un site internet d'extrême gauche. Dans ce texte, il serait question de punir le BVB qui, selon le texte, n'agirait pas suffisamment contre les supporteurs d'extrême droite dans le football. Le parquet fédéral a cependant déclaré nourrir «de très sérieux doutes» sur l'authenticité de ce texte.
«Signal clair». En attendant, et comme après l'attentat de Berlin qui avait fait 12 morts en décembre, l'Allemagne a réagi dans le calme et la solidarité. En parallèle des nombreux messages de soutien adressés au monde du football allemand (déjà en «première ligne» lors du soir du 13 novembre 2015 au Stade de France), Angela Merkel a qualifié l'attaque d'acte «répugnant». Elle a également salué la forte solidarité manifestée à travers le pays, ainsi qu'entre les supporteurs de Dortmund et de Monaco, un «signal clair», selon elle, contre la violence sous toutes ses formes.
Pour marquer ce refus de plier contre la barbarie, le ministre fédéral de l’Intérieur Thomas de Maizière et la présidente de région Hannelore Kraft ont assisté au match de mercredi soir (3-2 pour les Monégasques). Avant le coup d’envoi de ce quart de finale aller de la Ligue des champions, le stade de Dortmund a scandé le nom de Marc Bartra, le défenseur espagnol blessé mardi.