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Libération
Récit

En Corée du Sud, panique sur les réseaux

Sur Internet, la population imagine les pires scénarios de guerre. Mais l’exécutif, soucieux de préserver les marchés, tente de calmer le jeu.
Le 5 avril 2017 à Séoul. La télé sud-coréenne montre un nouveau tir de missile en Corée du Nord. (Photo JUNG Yeon-Je. AFP)
publié le 12 avril 2017 à 19h46

L’éventualité d’une guerre totale suscite l’appréhension en Corée du Sud. La population, d’habitude peu attentive aux soubresauts bellicistes réguliers et habilement orchestrés de la dynastie des Kim, scrute désormais les moindres signes d’un conflit armé. Les Sud-Coréens craignent que Donald Trump ne souffle sur les braises encore fumantes de la guerre de Corée (1950-1953) qui plongea la péninsule dans les affres d’une lutte fratricide. Officiellement, les deux voisins sont d’ailleurs toujours en conflit puisque l’armistice de Panmunjeom, signé en 1953, n’a jamais débouché sur un traité de paix.

En mars, alors que le Nord multipliait ses bravades et ses tests de missiles balistiques, les habitants du Sud restaient médusés par la destitution rocambolesque de leur présidente, Park Geun-hye. Mais un brutal changement vient de s’opérer. Une rumeur enfle sur les réseaux sociaux, selon laquelle l’armée américaine placerait ses pions en vue d’attaquer la Corée du Nord avant que cette dernière ne développe son missile balistique intercontinental (ICBM). Jour J : le 27 avril.

Au sud du 38parallèle, le terme «crise d'avril» est devenu l'un des plus référencés. Sur Naver, le premier portail web en Corée du Sud, la section questions-réponses liée aux retombées d'une éventuelle frappe préventive américaine déchaîne les spéculations. Et la Chine, l'alliée traditionnelle de la Corée du Nord, est perçue comme le meilleur rempart face à l'aggravation des tensions entre Washington et Pyongyang.

Invasion

Les plus catastrophistes anticipent leur fuite à l’étranger et s’interrogent, non sans dérision, sur la moins pire des destinations dans la région. Parmi les scénarios envisagés : Séoul atomisé par une pluie de missiles nord-coréens ou encore l’invasion éclair de la Corée du Sud par une armée surentraînée et dévouée à leur «cher leader» Kim Jong-un.

Comme l'a martelé le nouveau locataire de la Maison Blanche : «Toutes les options sont sur la table.» Les sorties musclées de l'administration Trump ont exacerbé les inquiétudes. Le retour du porte-avions américain USS Carl Vinson et de sa flotte dans la région a cristallisé la menace d'un conflit. De plus, les Etats-Unis ont présenté leur récent bombardement en Syrie, ciblant une base aérienne de Bachar al-Assad, comme un avertissement à l'adresse de Pyongyang.

Ce contexte explosif a conduit les Sud-Coréens à envisager l'idée que leur pays puisse constituer la prochaine cible d'une attaque américaine. Ils ne sont pas les seuls. Un ancien officier militaire chargé d'évaluer les risques géopolitiques pour une banque multinationale a confié au Korea Times que plusieurs établissements financiers et entreprises étaient en train d'examiner silencieusement les plans d'évacuations de leurs employés expatriés en Corée du Sud.

Anniversaire

De son côté, Séoul tente de rassurer sur les éventuelles répercussions d'une escalade entre Washington et Pyongyang. Même si la place boursière sud-coréenne reste relativement stable, le gouvernement observe de près l'évolution des marchés. Le ministre de l'Unification s'est montré circonspect sur la vraisemblance de frappes préventives américaines sur le régime de Kim Jung-un. Hong Yong-pyo tente d'éteindre l'incendie allumé sur les réseaux sociaux, en affirmant que «l'enjeu principal est la sécurité, et qu'il faut avant tout sauvegarder celle du peuple». Il veut croire que «Séoul s'accordera avec Washington avant toute prise de décision». Ces efforts d'apaisement n'auraient que peu d'effets sur la population sud-coréenne, qui attend avec inquiétude la journée de samedi, anniversaire de la naissance du fondateur de la dictature nord-coréenne, Kim Il-sung. Le régime, coutumier du fait, pourrait en profiter pour mener une nouvelle bravade sous le regard intransigeant des Etats-Unis.