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Libération
UNE SEMAINE À LA MAISON BLANCHE

Syrie, Afghanistan et Corée du Nord, Donald Trump sur tous les fronts

Après les frappes américaines en Syrie le 6 avril, le président est bien décidé à «régler» le dossier nord-coréen et «à bombarder à mort l’Etat islamique», comme il l'avait promis lors de sa campagne.
Donald Trump à la Maison Blanche, le 31 mars. (Photo Saul Loeb. AFP)
publié le 15 avril 2017 à 11h10

Samedi 8 avril - Menaces en Corée du Nord, Trump sort l’artillerie lourde

Un porte-avions, un escadron aérien, deux destroyers lanceurs de missiles et un croiseur lanceur de missiles. Moins de quarante-huit heures après avoir bombardé une base aérienne syrienne pour punir le régime Al-Assad de l'attaque chimique de Khan Cheikhoun, l'administration Trump déploie l'artillerie lourde, sur un autre dossier cette fois : la Corée du Nord. Samedi, le porte-avions USS Carl Vinson et son escadre, qui se rendaient initialement vers l'Australie, ont donc changé de cap, direction la péninsule coréenne. Une «mesure de précaution», précise le Pentagone, après les multiples provocations du régime de l'imprévisible Kim Jong-un.

A la veille de l'arrivée du président chinois Xi Jinping aux Etats-Unis le 6 avril, Pyongyang a tiré un nouveau missile balistique en direction de la mer du Japon. Washington craint également la tenue dans les prochains jours d'un nouvel essai nucléaire, le sixième depuis 2009. «La menace numéro un dans la région reste la Corée du Nord, en raison de son programme de missiles irresponsable, déstabilisateur et imprudent, et de la poursuite [de ses recherches, ndlr] en vue de disposer d'armes nucléaires», expose le commandant Dave Benham. Le dossier nord-coréen était évidemment au centre des discussions entre Xi Jinping et Trump. Lequel espérait bénéficier du soutien de son nouvel allié chinois pour freiner l'escalade nucléaire du dictateur nord coréen. Et ce, alors qu'il s'était dit prêt à «régler» seul le problème nord-coréen, dans une récente interview au Financial Times.

Dimanche 9 avril - Soutien à Al-Sissi

Après Poutine, Abdel Fattah al-Sissi, le nouveau meilleur ami de Trump ? Le Président affiche son soutien à son homologue égyptien dimanche, après les deux attentats à la bombe qui ont visé des églises coptes et fait 44 morts à Tanta et à Alexandrie. Sur Twitter, il condamne les attaques, se disant confiant dans la capacité du président Al-Sissi à «gérer la situation comme il se doit».

Le 3 avril, Trump avait déplié le tapis rouge pour son nouvel allié à la Maison Blanche, rompant avec l'administration Obama qui n'avait plus invité le président égyptien depuis trois ans. Les deux hommes partagent une cause commune : la lutte contre l'Etat islamique. «Nous sommes à 100% derrière le président Sissi», avait assuré Trump à l'issue de leur entretien à huis clos, soulignant le «travail fantastique» du chef d'Etat égyptien, élu en 2014 après avoir destitué Mohamed Morsi et réprimé dans le sang ses partisans.

Lundi 10 avril - «Assad pire qu’Hitler», Spicer gaffe (encore)

[CNN]

Habitué des sorties hasardeuses, le porte-parole de la Maison Blanche Sean Spicer a tenté une comparaison plus que maladroite entre Bachar al-Assad et Hitler pour justifier les frappes américaines en Syrie. «Pendant la Seconde Guerre mondiale, on n'a pas utilisé d'armes chimiques. Une personne aussi abjecte qu'Hitler n'est même pas tombée aussi bas que d'utiliser des armes chimiques», s'aventure-t-il lors de son point presse hebdomadaire. Avant de définitivement se perdre dans ses explications face à un parterre de journalistes médusés : «En ce qui concerne le gaz sarin, il [Hitler] n'a pas utilisé de gaz sur son propre peuple de la même façon qu'Assad […] Je sais qu'il les a apportées dans les centres d'Holocauste. Mais je parle de la façon dont Assad les a utilisées, quand il est allé dans les villes et les a lâchées sur des innocents, au milieu des villes…»

Une déclaration qui semble minimiser l'extermination brutale et soigneusement orchestrée de 6 millions de Juifs, Tsiganes et personnes handicapées par l'Allemagne nazie. Les réactions indignées ne se font pas attendre : associations juives et élus démocrates dénoncent des propos antisémites ou révisionnistes. «Pendant la Pâque juive, Sean Spicer a nié l'Holocauste, la forme la plus répugnante de "fake news" possible, en niant qu'Hitler a gazé des millions de Juifs», accuse Steven Goldstein, directeur du centre Anne Frank basé aux Etats-Unis, qui rejoint les nombreuses voix appelant à sa démission.

«J'ai fait par erreur un commentaire inapproprié et insensible au sujet de l'Holocauste et il n'y a aucune comparaison. Pour cela, je présente mes excuses. C'était une erreur de faire cela», déclare-t-il sur CNN quelques heures plus tard. Spicer échappe, pour cette fois, à l'échafaud.

Mardi 11 avril - L’art de la guerre, façon Trump

Les conseillers de Trump ne maîtrisent apparemment toujours pas son compte Twitter. Mardi, il y déclarait presque la guerre à Kim Jong-un. «La Corée du Nord cherche les ennuis. Si la Chine décide de nous aider, ce serait génial. Sinon, nous résoudrons le problème sans eux ! U.S.A.», a-t-il publié à cinq heures du matin.

Un peu plus tôt, le ministère des Affaires étrangères nord-coréen avait dénoncé l'offensive américaine : «Le déploiement américain insensé pour envahir la République populaire de Corée [RPDC] a atteint une phase préoccupante. […] La RPDC est prête à réagir, quel que soit le type de guerre voulu par les Etats-Unis.» La menace d'une attaque nucléaire grandit alors que le 105anniversaire de la naissance de Kim Il-sung, le père fondateur de la RPDC, sera célébré samedi en Corée du Nord. Seule réponse de Trump à une journaliste de Fox News qui le questionnait sur ses plans pour la péninsule : «On ne sait jamais, hein ? On ne sait jamais.»

Mercredi 12 avril - Retournement de veste

«J'ai dit que l'Otan était obsolète. Il n'est plus obsolète […] C'est un rempart pour la paix internationale.» Il n'en aura pas fallu beaucoup au président américain pour changer d'avis sur l'Alliance Atlantique. Tout simplement de se retrouver face au secrétaire général de l'organisation, Jens Stoltenberg, venu le rencontrer à Washington, mercredi. Début janvier, Trump avait semé le trouble en Europe en qualifiant l'Otan d'«obsolète» et en attaquant les alliés du Vieux continent sur leur faible participation financière à l'organisation. Une attaque qu'il a renouvelée mercredi.

Cette volte-face du milliardaire n'est que le énième d'une série de retournements politiques opérés depuis plusieurs semaines, que ce soit sur la réforme de l'Obamacare, l'interventionnisme des Etats-Unis à l'étranger ou sa position face au régime chinois, soudain devenu un allié. Le même jour, Trump a affirmé que les Chinois «ne manipulent pas leur monnaie», dans une interview donnée au Wall Street Journal. Une accusation pourtant scandée par le milliardaire tout au long de sa campagne. Par ce changement de stratégie, il espère voir Pékin faire pression sur Pyongyang pour calmer le jeu en Corée du Nord. La Chine est considérée comme la plus proche alliée du régime de Kim Jong-un, mais s'oppose fermement à leur programme nucléaire à visée militaire. Pékin plaide depuis plusieurs semaines pour une solution dite de «suspension contre suspension» : Pyongyang doit interrompre ses activités nucléaires et balistiques, et Washington ses exercices militaires conjoints avec la Corée du Sud, des manœuvres annuelles considérées par le Nord comme une provocation. Un donnant-donnant que Trump, bien sûr, a refusé.

Jeudi 13 avril - La mère de toutes les bombes

«The Mother of all bombs». La mère de toutes les bombes. Rien que le nom fait froid dans le dos. Jeudi, à 7h30 (heure de Kaboul), les Etats-Unis ont largué la plus puissante bombe non-nucléaire qu'ils aient jamais employée : une GBU-43/B Massive Ordnance Air Blast, de son petit nom officiel. 9,8 tonnes lâchées par un avion-cargo sur le district d'Achin, dans l'est de l'Afghanistan, près de la frontière avec le Pakistan. «Ça a été une nouvelle mission très très réussie», a claironné Donald Trump lors d'une conférence de presse. Selon les autorités afghanes, la frappe a fait au moins 36 morts parmi les combattants de l'Etat islamique cachés dans le réseau de tunnels que visaient les Américains. Des pertes démenties par les jihadistes.

Pour l'instant, difficile de conclure ce que cela signifie pour l'implication des Etats-Unis en Afghanistan. On pourrait voir dans ce tour de force un moyen pour Trump de mener à bien sa campagne pour «bomb the shit out of ISIS» (bombarder à mort l'Etat islamique), tel qu'il l'a clamé pendant sa campagne. Sauf que, cette fois-ci, ce n'est pas lui qui a donné le feu vert mais le général John Nicholson, commandant des forces armées américaines en Afghanistan. Selon les autorités afghanes, aucun civil n'a été tué pendant l'opération.

Vendredi 14 avril - «Guerre contre les femmes»

La photo avait fait le tour du monde, autant que ses versions détournées. On y voyait Trump, entouré de sept collaborateurs exclusivement masculins dans son Bureau ovale, signer un décret pour interdire le financement d'ONG internationales soutenant l'IVG. Ce vendredi, c'est à huis clos, bien loin des caméras, que le milliardaire a signé une loi qui vient un peu plus restreindre le droit à l'avortement, pourtant sanctuarisé depuis 1973 par l'arrêt «Roe v. Wade» de la Cour Suprême.

«Donald Trump signe un décret anti-avortement, entouré d’hommes.»

Cette nouvelle législation permettra aux Etats d'interdire le transfert d'argent public à toute clinique qui pratiquerait des avortements, en particulier celles du Planning familial. Pour l'opposition démocrate, il s'agit «d'un nouvel épisode de la guerre menée par les républicains contre les femmes». Ancien pro-choice devenu pro-life, Trump n'a jamais caché sa volonté d'interdire l'avortement. Pendant la campagne, il soutenait même vouloir «punir» les femmes qui se faisaient avorter, avant de faire machine arrière.