«Donald Tusk ! Donald Tusk !» scandaient des centaines de ses partisans quand le train avec le président du Conseil européen entrait dans la Gare centrale de Varsovie, où il s’est rendu pour être entendu par le parquet comme témoin. «Le but du PiS [Droit et Justice, parti conservateur au pouvoir, ndlr] est de le traîner devant les tribunaux pour l’abaisser. Mais il est trop grand pour eux, et nous, on est avec lui», s’exclame une retraitée, venue spécialement pour l’accueillir, comme d’autres Varsoviens qui ont apporté des fleurs, des drapeaux européens et même du vin.
Les adversaires n'ont pas manqué le rendez-vous eux non plus. Mobilisés par le journal nationaliste Gazeta Polska, proche du PiS, ils ont brandi des affiches représentant Tusk en uniforme de prisonnier, car selon eux, sa place est derrière les barreaux. Ils accusent l'ancien Premier ministre libéral d'avoir conclu un pacte avec le président russe, Vladimir Poutine, pour éliminer le 10 avril 2010, à Smolensk, leur président, Lech Kaczynski, cofondateur avec son frère jumeau Jaroslaw du PiS aujourd'hui au pouvoir, dans un crash d'avion qui a coûté la vie à 95 personnes.
Les généraux Janusz Nosek et Piotr Pytel sont accusés d'avoir «outrepassé leurs compétences en engageant une collaboration avec un service d'un Etat étranger sans avoir l'accord du président du Conseil des ministres comme l'exige la loi», sur les services de renseignement. Il s'agirait d'un accord conclu avec le FSB (ex-KGB) stipulant que les deux parties collaboreront contre les menaces visant l'une ou l'autre d'entre elles.
«Trahison diplomatique»
«C'est ridicule. L'affaire dans laquelle Tusk est interrogé est simplement inventée, explique Krzysztof Krol, un ancien dissident anticommuniste. Le parquet dispose d'autres moyens techniques pour l'interroger. Tout ceci est un spectacle politique». Et ce n'est que le début. Jusqu'à peu, Tusk était accusé d'être «moralement responsable» du crash. Désormais, le ministre polonais de la Défense, Antoni Macierewicz, l'incrimine de «trahison diplomatique» dans l'enquête sur le crash de Smolensk.
«Nous sommes avec toi, Donald», ont chanté ses amis libéraux, dont l'ex-Première ministre, Ewa Kopacz, pour l'encourager avant l'interrogatoire, qui s'est tenu à huis clos. Tusk a effectué à pied le trajet entre la gare et le Parquet, une distance de deux arrêts de tramway, en distribuant des autographes et des poignées de mains à la foule. «Je suis un simple citoyen et fonctionnaire qui se rend au parquet», a-t-il déclaré à la presse, dans une opération médiatique plutôt réussie, alors que le PiS est critiqué par l'opinion publique pour des récents accidents de limousines impliquant ses hauts responsables. «Monsieur Europe» espère ainsi donner des points à l'opposition libérale de sa formation en Pologne, même si les élections législatives ne sont que dans deux et demi.