«Qui connait bien sa culture de référence est fort», affirme le ministre de l'Intérieur allemand, Thomas de Maizière (chrétien-démocrate, CDU), dans une tribune publiée dimanche dans le tabloïd Bild, qui relance le débat autour du concept controversé de Leitkultur, la «culture dominante». Les habitudes, l'histoire, la religion et l'éducation font partie des thèmes abordés dans son texte. Dès le début de son article, le ministre indique à qui il s'adresse : «Nous sommes une société ouverte. Nous montrons notre visage. Nous ne sommes pas burqa.» Dans un contexte de crise des réfugiés et à cinq mois des élections générales, Thomas de Maizière semble vouloir séduire des électeurs tentés par l'extrême droite de l'AFD. Contacté par Libération après être apparu dans une vidéo qui conteste avec humour la tribune, Stefan Kuzmany, journaliste au Spiegel, critique les propos du ministre : «Cette dernière phrase [sur la burqa, ndlr] ne signifie pas grand-chose. Elle n'est pas grammaticalement correcte et est, quelque part, absurde. Nous sommes aussi peu des "voitures", qu'un "bonnet en laine", qu'un "pantalon en cuir" ou qu'un "frigo". Nous sommes des hommes.»
Contre-argument face au multiculturalisme
Pour Elisa Goudin-Steinmann, spécialiste de l'histoire culturelle contemporaine de l'Allemagne, «la Leitkultur est un terme très flou et est instrumentalisée par l'extrême droite». Cette question autour de la culture de référence avait déjà été posée par un membre de la CDU dans les années 2000, à l'époque utilisée comme un contre-argument face au multiculturalisme, et alors qu'étaient interrogées les frontières culturelles de l'Europe. Le débat avait rapidement dérapé sur la question de l'islam. «La dimension religieuse est à prendre en considération dans ce débat», ajoute Elisa Goudin-Steinmann. La CDU «incarne une vision chrétienne de l'Europe et s'oppose donc au multiculturalisme religieux». Le ministre fédéral de l'Intérieur ne met pas tout le monde d'accord au sein du parti. « L'ex-président Christian Wulff (CDU) est resté dans les mémoires pour avoir dit cette phrase : "L'islam aussi appartient à l'Allemagne" », rappelle Stefan Kuzmany.
« Tactique de campagne »
Le débat est lancé. Les médias et les politiques s'en sont saisi avant d'être repris sur les réseaux sociaux. Le Parti social-démocrate allemand parle d'une «mise en scène gênante». Frauke Petry présidente du parti d'extrême droite AFD évoque sur Twitter «une tactique de campagne» à deux semaines des élections du parlement régional de Rhénanie du Nord. Sur les réseaux sociaux, certains ironisent et reprennent sous forme de hashtag le terme Leitkultur avec diverses curiosités culturelles allant de la paire de sandales-chaussettes à la bière. Une manière de montrer que parler de culture dominante n'a pas réellement de sens.
Wie viele Bier muss ich denn jetzt zum Abend trinken?#leitkultur
— Stephan F. ☕ (@Stephan535) May 1, 2017
Stephan F. - Combien de bières dois-je maintenant boire chaque soir ? #Leitkultur
#Leitkultur auf den Punkt! Und Sandalen!!!! https://t.co/6HrmLyRO3s
— Daniel Lücking (@DanielLuecking) April 30, 2017
Daniel Lücking - #Leitkultur en vient à l'essentiel ! Et aux sandales !!!!