Le nouveau visage du Hamas est celui d’Ismaïl Haniyeh, un quinquagénaire impliqué dans le mouvement depuis sa création, en 1987 - il a même été chef de sa branche gazaouie ces dernières années. Sans surprise, cet ancien proche du cheikh Ahmed Yassine, le chef spirituel du Hamas assassiné par Israël en 2004, a été élu samedi chef du bureau politique. Il est perçu comme l’héritier spirituel de son prédécesseur, Khaled Mechaal - partisan d’une approche réaliste du conflit avec le voisin israélien. Les renseignements israéliens estiment d’ailleurs qu’il continuera son travail : maintenir les échanges avec les grands pays sunnites et s’éloigner de l’Iran et de la Syrie.
La classe politique israélienne, elle, semble attendre de savoir d'où Haniyeh travaillera avant de réagir. «Elire Ismaïl Haniyeh est, à tous niveaux, un signe d'ouverture de la part du Hamas», analyse Mkhaimar Abusada, politologue palestinien. Haniyeh est un partisan du dialogue : en 2006, il avait écrit au Président George W. Bush pour tenter de rétablir la discussion avec les Américains. Selon Abusada, l'élection d'Haniyeh procède de la même dynamique que la parution, le 2 mai, du nouveau manifeste politique du Hamas, qui nuance les positions du mouvement considéré terroriste par les Etats-Unis et l'Union européenne. Il mentionne notamment une acceptation d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967. «Du bluff», avait alors assuré le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou.
A Gaza, le prêche prononcé par Ismaïl Haniyeh juste après sa désignation a rassemblé une foule importante, car il est né dans le camp de réfugiés d’Al-Shati, l’un des principaux de la ville de Gaza, et il a grandi, comme la plupart des Gazaouis, dans le récit de l’exil des réfugiés palestiniens.
Malgré ce fort enracinement, Haniyeh pourrait rencontrer des difficultés avec les cadres locaux du Hamas. Il devra notamment composer avec son exact opposé, Yehieh Sanwar. En février, ce dernier a été élu chef du Hamas à Gaza, précisément pour remplacer Haniyeh. Mais Sanwar n’a pas du tout le même héritage politique : il est l’un des fondateurs de la branche armée du Hamas et a passé vingt-trois ans dans les prisons israéliennes. Partisan d’une ligne dure, il est connu pour avoir commandité l’exécution de plusieurs Palestiniens soupçonnés de collaboration avec l’ennemi ou trop critiques du mouvement.
Enfin, sur la scène nationale, Haniyeh est connu pour avoir été Premier ministre de 2006 à 2007, avant le schisme historique entre son parti et le Fatah. Ses liens avec la scène politique de Ramallah pourraient l’aider à signer une réconciliation qui patine depuis dix ans. Mais les Gazaouis manifestent quotidiennement pour dénoncer leurs difficultés et le discours, jugé timoré, de l’Autorité palestinienne à Ramallah. Ainsi, alors que la rue réclame des réponses radicales, la modération de Haniyeh arrive peut-être déjà trop tard.