Tous les présidents de la République française ont laissé leur marque sur la construction européenne. Tous ? Non, un seul manque à l'appel, François Hollande. Celui qui se présentait en «héritier de Jacques Delors» ne laissera, au mieux, qu'une note de bas de page dans l'histoire de l'Europe. Pendant cinq ans, le chef de l'Etat aura esquivé le sujet avec une constance qui force l'admiration, même s'il en fut un commentateur avisé, dénonçant régulièrement le «manque de projet» et la «frilosité» de l'Union ou encore le «repli sur soi» des Etats. Une analyse qui, de la part du responsable de l'une des principales puissances européennes et mondiales, aurait dû appeler des initiatives de relance. C'est ce qu'il a d'ailleurs régulièrement promis dans les journaux français, mais il en est resté aux effets d'annonce.
Les deux points de son programme qui devaient «réorienter» l'Europe n'ont pas été défendus à Bruxelles. C'est le cas de la fédéralisation de la zone euro, autour d'un gouvernement et d'un parlement propre aux pays partageant la même monnaie. Il en est de même de la création d'euro-obligations, c'est-à-dire d'une mutualisation partielle des dettes de la zone euro, ou encore d'une «réorientation du rôle de la BCE», qu'il s'est toujours gardé de présenter formellement. Et pour cause, ces réformes exigent une réforme des traités et donc sans doute un référendum. Or le précédent du traité constitutionnel européen de 2005 a durablement traumatisé François Hollande et divisé le PS.
Au chapitre des promesses non tenues, le chef de l’Etat a laissé Londres et Berlin décider d’une baisse du budget européen (la première depuis 1957) et renoncé à demander la révision du traité de stabilité budgétaire, la création d’une agence de notation européenne ou encore la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union…
Une anecdote résume bien l'Européen François Hollande. En décembre 2012, Herman Van Rompuy, alors président du Conseil européen, tente d'obtenir un mandat des chefs d'Etat et de gouvernement pour travailler à des scénarios d'approfondissement de la zone euro. Il veut notamment un budget et lui donner une capacité d'emprunt. Alors que Van Rompuy insiste auprès d'une Angela Merkel inflexible, lors d'une trilatérale, Hollande le coupe brutalement : «Herman, tu as entendu Angela : elle ne veut pas. Alors arrête !» Le président du Conseil européen n'est toujours pas revenu d'avoir été lâché par «l'héritier de Jacques Delors»…