Balayer le sol de la cantine, passer la serpillière, débarrasser les tables. Aux Etats-Unis, pour les enfants dont les parents n’ont pu payer la cantine scolaire, le repas peut s’apparenter à un véritable calvaire. Identifiés par un bracelet ou un tampon, ces jeunes élèves se voient contraints d’effectuer les corvées ménagères en échange d’un repas. Le tout sous le regard moqueur de leurs jeunes camarades. Certaines écoles vont même plus loin en privant de repas chaud les élèves endettés.
Le procédé est courant et porte un nom : le lunch shaming (en français, «humiliation du déjeuner»). Outre-Atlantique, cette pratique persiste depuis des décennies. En humiliant ainsi les enfants, les établissements incitent les parents à régler leurs impayés. «On nous a fait part de cas d'enfants qui faisaient la queue avec leur plateau avant de se rendre compte en arrivant à la caisse qu'ils n'avaient plus assez d'argent sur leur compte. Leur repas est alors littéralement jeté à la poubelle», s'est insurgée Jennifer Ramo, directrice de New Mexico Appleseed, une association de lutte contre la pauvreté, dans les colonnes du New York Times.
En France aussi, on stigmatise parfois
Le Nouveau-Mexique a adopté début avril une loi visant à mettre fin au lunch shaming. Baptisée Hunger-Free Students' Bill of Rights («contre la faim des élèves»), elle interdit aux établissements scolaires de confier des corvées aux mauvais payeurs.
A la tête de cette initiative, le sénateur Michael Padilla a expliqué avoir lui-même été victime de cette pratique : «Quand j'étais enfant, je devais passer la serpillière à la cantine, mettre les chaises sur les tables et travailler en cuisine», a-t-il confié à l'AFP. La décision prise par le Nouveau-Mexique s'oppose largement à la réforme du président Donald Trump qui envisage des coupes drastiques dans le budget alloué à la restauration scolaire.
En France, la loi du 28 mars 1882 de Jules Ferry interdit de tels procédés. Pourtant, la stigmatisation des mauvais payeurs existe bel et bien. En 2010, une commune de Charente avait mis en place un système d'écran numérique sur lequel défilait le nom des familles qui n'avaient pas payé la restauration collective. Le dispositif, largement critiqué, avait fini par être supprimé un an plus tard. Plus récemment, un établissement scolaire de Gironde a, à son tour, créé la polémique en proposant un menu de substitution aux enfants dont les parents n'ont pas réglé les frais de restauration. Pour ces jeunes élèves, tous les jours, c'est raviolis ! «Cette mesure est appliquée après les courriers d'usage, la réception et l'entretien des parents avec le personnel des écoles», a expliqué dans un communiqué le maire de la commune de La Teste, Jean-Jacques Eroles.