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Libération

Découverte d’un réseau d’extrême droite : l’armée allemande sous pression

publié le 10 mai 2017 à 21h06

Ursula von der Leyen a promis mercredi devant le Bundestag de «réformer la Bundeswehr», après la découverte d'un complot d'extrême droite dans les rangs de l'armée allemande. La ministre de la Défense est sous pression depuis l'arrestation, le 26 avril, du lieutenant Franco A. Ce membre de la brigade franco-allemande d'Illkirch (Bas-Rhin) s'était fait passer pour un réfugié syrien et préparait un attentat motivé par ses convictions d'extrême droite. Mardi, les enquêteurs ont procédé à une seconde interpellation dans l'entourage professionnel de Franco A. Mille munitions dérobées dans les stocks de l'armée ont été retrouvées chez un troisième complice.

Parce que le lieutenant A. s’était fait inscrire comme demandeur d’asile et que ses empreintes digitales figuraient dans les fichiers de réfugiés, les enquêteurs s’étaient d’abord mis sur la piste d’un acte commis par un migrant syrien. Une manipulation à même de relancer le débat sur les liens entre immigration et insécurité, à quelques mois des législatives. Dès l’arrestation de Franco A., classe politique et opinion se sont demandé comment un Allemand avait pu obtenir le statut de réfugié syrien.

L'enquête sur Franco A. a révélé bien d'autres failles, concernant cette fois l'armée. Née en 1955, la Bundeswehr se voulait une armée de «soldats-citoyens», immunisée contre toute résurgence du nazisme. Plusieurs garde-fous devaient assurer son caractère «démocratique». Notamment la création de services de renseignement internes. Dans le cas de Franco A., ces garde-fous ont montré leurs limites. En janvier 2014, alors qu'il était en formation à l'école militaire de Saint-Cyr, en France, Franco A. présente un mémoire de master dans lequel il avance que la culture des droits de l'homme risque de conduire au génocide des races occidentales. Les autorités françaises rejettent ce travail et informent leurs homologues allemands. Les supérieurs de Franco A. se contentent d'un avertissement oral, et son cas n'est pas signalé aux services de renseignement militaire, comme le veut le règlement.

Le scandale va au-delà des agissements de Franco A. La présence d'objets de collection de la Wehrmacht, l'armée du IIIe Reich, dans deux casernes, dont celle d'Illkirch, a conduit le chef d'état-major de l'armée à ordonner une fouille généralisée des casernes du pays. Ursula von der Leyen a promis une révision du «décret sur la tradition», concernant l'armée allemande, qui n'a pas été réformé depuis 1982 et autorise la collection d'armes anciennes «dans l'intérêt de l'histoire».

D'après le ministère de la Défense, 18 militaires sur un effectif de 250 000 hommes, ont été démis, au moins temporairement, de leurs fonctions entre 2012 et 2016 en raison d'opinions néonazies. Ces dérives au sein des forces armées seraient liées à la suppression de la conscription, selon l'historien Michael Wolffsohn : «Cela a ouvert les portes aux extrémistes de tout poil, intéressés par une formation militaire. Depuis, il manque au sein de l'armée les citoyens "normaux"», qui pourraient exercer un rôle de lanceurs d'alerte en cas de dérive.