En pleine crise de confiance face à leurs dirigeants, les Palestiniens élisent ce samedi leurs conseils municipaux. Les élections n’auront lieu qu’en Cisjordanie, marquant ainsi l’échec des pourparlers pour la réconciliation entre les deux principaux partis palestiniens : le Hamas dans la bande de Gaza, et le Fatah qui domine l’Autorité palestinienne de Ramallah. Initialement prévues en octobre 2016, ces élections devaient en effet permettre une confrontation démocratique de ces deux mouvements, ce qui aurait été une première depuis 2006. Mais pinaillant sur le cadre légal du scrutin, le pouvoir du Hamas à Gaza et l’Autorité palestinienne à Ramallah n’avaient alors pas réussi à s’accorder. En début d’année, quand l’Autorité a relancé l’idée des élections, sans concertation avec le Hamas, ce dernier a refusé le nouveau rendez-vous électoral. Le Jihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine ont aussi décidé de ne pas participer à ces élections municipales.
Si 1,1 million d’électeurs sont appelés à renouveler plus de 300 conseils municipaux, seulement 46 % des votants devraient se rendre aux urnes. Même les jeunes Palestiniens, d’habitude enclins au militantisme, ont peu suivi la campagne. La Commission électorale qui supervise le scrutin a bien lancé des appels à la mobilisation. En vain, les Palestiniens s’en désintéressent. Pour beaucoup, ces élections n’arrivent tout simplement pas au bon moment. Depuis plusieurs mois, la scène politique est instable. Plus des deux tiers des Palestiniens souhaitent la démission du président, Mahmoud Abbas. Ce dernier fait fi de cette colère et préfère continuer à régler ses comptes avec ses rivaux.
«Mécontentement de la rue»
Circonstance aggravante côté calendrier : ces trois dernières semaines, la société palestinienne est largement mobilisée autour de la grève de la faim d'un millier de prisonniers incarcérés en Israël. Sur les places publiques, on peine parfois à remarquer les affiches de candidats au milieu des installations symboliques de solidarité avec les prisonniers. Certains des électeurs rejettent même carrément le principe des élections, comme à Naplouse où le comité des familles de prisonniers a appelé à les boycotter pour pouvoir se concentrer sur la grève. «C'est tout de même une élection à suivre puisqu'il y en a peu, mais l'abstention sera sans doute encore plus élevée qu'on ne le prédit vu le niveau de mécontentement de la rue, la tension générale, et surtout l'absence d'un parti majeur comme le Hamas», résume le politologue palestinien Hani al-Masri.
Anwar Abu Eisheh, figure politique chevronnée, ancien ministre et aujourd'hui candidat à Hébron, la plus grande ville de Cisjordanie, est plus nuancé sur le manque de représentativité : «On ne connaît pas la décision des soutiens du Hamas en Cisjordanie, mais il peut y avoir des accords officieux entre le mouvement et des candidats présentés comme indépendants.» Depuis Gaza, le mouvement islamiste a appelé les Palestiniens de Cisjordanie à prendre part aux élections et à choisir les candidats qui leur semblaient être les plus compétents. L'Autorité palestinienne espère tirer profit de ces élections et en faire la preuve d'une vie démocratique dans les territoires palestiniens ; mais ces nombreux candidats indépendants, qui représentent plus 58 % des listes, pourraient créer la surprise.