Il y a quatre ans, la présidence de l’ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad s’achevait et le second mandat de Barack Obama commençait. Aujourd’hui, Donald Trump est à la Maison Blanche et Hassan Rohani tente de se faire réélire. Au milieu de ce chassé-croisé, les deux Etats et le reste de la communauté internationale seront néanmoins parvenus à un accord sur le nucléaire iranien, principale réalisation de Rohani et enjeu de l’élection présidentielle de ce vendredi. Le président sortant aura face à lui un bloc conservateur incarné par Ebrahim Raisi, 56 ans. Les deux hommes sont religieux, portent le turban des mollahs (blanc pour Rohani, noir pour le descendant du prophète Raisi), mais c’est à peu près tout ce qui les rassemble.
Candidat d’appareil
Surnommé le «cheikh diplomate», Rohani a une longue expérience des négociations internationales. A la tête du Conseil suprême de la sécurité nationale de 1989 à 2005, l’avocat de formation a dirigé l’équipe de négociateurs sur le nucléaire pendant ses deux dernières années à ce poste. Pragmatique plus que réformateur, il avait fait d’un accord la priorité de son mandat. Autant, sinon moins, par conviction que par nécessité : les sanctions prises sous Ahmadinejad avaient laissé un pays à l’économie exsangue, terrassée par l’inflation.
Son principal opposant était encore un inconnu il y a quelques mois. Ses soutiens l’affirment sans rougir : avant la campagne, ils n’avaient jamais entendu parler d’Ebrahim Raisi. Surtout en dehors de Mashhad, deuxième ville du pays où Raisi était installé depuis un an et qui abrite le mausolée de l’imam chiite Reza (l’un des principaux lieux de pèlerinage avec Kerbala et Nadjaf en Irak). A Mashhad, dont il est originaire, Raisi a pu nouer des liens avec des réseaux très puissants : il dirigeait la fondation Astan Qods, qui gère le mausolée, ses millions de visiteurs annuels, sa richesse à neuf zéros et ses sociétés en cascade qui irriguent tous les secteurs de l’économie.
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Tout aussi stratégique dans une république islamique, Raisi siégeait auparavant comme procureur spécial à la cour chargée de juger les religieux. Un profil qui fait de lui un candidat d’appareil plus qu’un homme politique tribunicien. A tel point que son nom a circulé pour prendre la suite du Guide suprême. La question se posera tôt ou tard : il faudra trouver un successeur à l’ayatollah Ali Khamenei, 77 ans, dont la santé n’est pas au mieux. En septembre 2014, ce dernier avait subi une opération de la prostate très médiatisée.
Khamenei a lui-même été président de la République avant d'être nommé Guide. Raisi rêve-il de suivre ses traces ? Lors du premier débat télévisé, le principal opposant de Rohani s'était placé en surplomb, laissant les attaques les plus véhémentes contre le président sortant aux autres, notamment au maire de Téhéran, Mohammad Ghalibaf. Les deux conservateurs se sont de plus en plus accordés au fil de la campagne, au point que l'édile de la capitale s'est retiré, quatre jours avant le scrutin, au profil du mollah de Mashhad. Rohani a, lui, bénéficié du retrait de son vice-président, Eshaq Jahangiri, plus réformateur et très en verve lors des débats télévisés. Dans les rues comme dans les urnes, ce sont donc deux blocs qui s'affronteront lors de ce premier - et probablement unique - tour. Le quotidien réformateur Shargh résumait à sa façon, sur sa une de mardi, l'enjeu du scrutin : «Procureur ou avocat, les gens choisiront.»
Fantôme des élections
Ce vendredi, le scrutin sera marqué par trois absences. Celles des réformateurs Karroubi et Moussavi, qui ont appelé à voter pour le président sortant, toujours assignés à résidence pour avoir été à la tête des mouvements contre la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad en 2009. Et pour la première fois dans l’histoire de la République islamique, celle de Hashemi Rafsandjani. Celui que les Iraniens surnommaient «Kousseh» («requin»), plus pour sa peau glabre que pour son caractère prédateur - quoiqu’il n’en manquât pas -, est mort en janvier à 82 ans. «La révolution vivra tant que Rasfandjani sera en vie», aurait dit un jour l’ayatollah Khomeyni, fondateur du régime. Acteur de la révolution, président de 1989 à 1997, artisan de la nomination de Khamenei comme Guide suprême, et proche des réformateurs après la réélection d’Ahmadinejad, Rafsandjani a occupé de nombreux postes clés dans les arcanes du régime. Même mort, il continue de hanter les élections. Sa silhouette apparaît d’ailleurs sur les affiches électorales, aux côtés de Rohani ou sur celles de son fils, Mohsen Rafsandjani, candidat aux municipales à Téhéran. Le Guide s’est, lui, contenté d’appeler les Iraniens aux urnes, comme en témoigne une grande affiche reprenant sa citation sur l’avenue Karim-Khan, au centre de Téhéran. La semaine dernière, Khamenei a ajouté que quiconque perturberait l’élection recevrait «une claque dans la tête».