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Proche-Orient

Le Liban organise la première Gay Pride du monde arabe

La société libanaise considère toujours l’homosexualité comme un crime. Mais, à l'instar la Beirut Pride prévue dimanche, la communauté LGBT souligne quelques avancées.
Lors d'une marche contre l'homophobie à Beyrouth, le 30 avril 2013. (Photo Joseph Eid. AFP)
publié le 20 mai 2017 à 15h59

C'est une première pour la défense des droits des LGBT au Moyen-Orient. Dimanche, à l'issue d'une semaine de festivités organisée contre la discrimination sexuelle, le Liban accueillera la première Gay Pride du monde arabe dans le nord du pays, à Batroun. L'événement, un sit-in d'envergure, prévoit de réunir plusieurs centaines de personnes autour d'un pique-nique sur les hauteurs des montagnes libanaises. «C'est une avancée significative dont nous sommes fiers, réagit Hadi Damien, l'initiateur de Beirut Pride. Un signe encourageant pour la promotion de la dignité humaine et la dénonciation de la violence basée sur la diversité du sexe et du genre.»

Après avoir accepté en 2004 la création d'Helem, la première association gay de la région et la publication trimestrielle de son magazine Barra, le Liban conforte, avec l'organisation de cette Gay Pride, sa position avant-gardiste en matière de tolérance des LGBT dans le monde arabe. Les résistances restent cependant fortes au sein de la société libanaise, qui considère toujours l'homosexualité comme un crime. L'article 534 du code pénal prévoit une condamnation d'un mois à un an de prison ferme, accompagné d'une amende de 120 à près de 600 euros en cas de «relations sexuelles contre-nature».

Violences

A 31 ans, Tarek vient ainsi d'être condamné à deux mois d'emprisonnement pour son homosexualité. Arrêté en 2015, il avait été détenu dix jours dans la prison beyrouthine de Hbeich, avant d'être libéré dans l'attente de son jugement. Séropositif, il raconte y avoir été privé de ses médicaments et victimes de violences de la part des autorités libanaises. «Ils m'ont insulté et frappé, confie-t-il. Il y avait du sang partout dans la pièce, je leur ai donc dit de faire attention à ne pas se faire contaminer. Ils étaient furieux. Ils ont ensuite refusé de me donner mon traitement et ont commencé à m'électrocuter pour éviter tout contact direct avec moi.»

Il n'existe pas de statistiques au Liban sur le nombre de jugements rendus en vertu de l'article 534 mais son existence conduit fréquemment à des dérives. Maya n'a pas été arrêtée pour sa bisexualité, mais la jeune femme de 25 ans dit avoir été victime de chantage après avoir porté plainte pour tentative de viol. «Je n'ai pas fait attention à ce que je disais, j'étais sous le choc de mon agression et j'ai reconnu être lesbienne. Ils s'en sont servi contre moi en appelant mon ex. Ils voulaient qu'elle témoigne dans une autre affaire. Elle ne répondait pas au téléphone au début, mais ils ont fini par lui dire que si elle ne se déplaçait pas au poste, ils l'arrêteraient pour homosexualité», raconte-t-elle.

Avancées

Et les abus ne se limitent pas qu'à la police. La société libanaise, au sein de laquelle la religion occupe une place dominante, reste encore très conservatrice. «Les discriminations commencent par la famille – de nombreux LGBT doivent se cacher s'ils ne veulent pas être chassés de chez eux, puis elles se poursuivent à l'université et dans le milieu du travail», confirme Bertho Makso, cofondateur de l'ONG Proud Lebanon, qui a été contrainte d'annuler une journée de séminaire sur la diversité sexuelle cette semaine, face aux menaces proférées par des instances religieuses musulmanes.

Conscient de ces injustices, Hadi Damien préfère cependant rappeler les avancées de la cause homosexuelle au Liban – comme le refus de dizaines de juges de criminaliser l'orientation sexuelle depuis 2009 et la légalisation en janvier du changement de sexe d'un homme transsexuel. Le chemin reste long à parcourir mais la dynamique est enclenchée. «Nous sommes sur la bonne voie», assure l'organisateur de la Beirut Pride.