Donald Trump a été reçu avec chaleur après l'atterrissage de son Boeing à l'aéroport de Tel-Aviv. Sous le regard de centaines de journalistes, le président israélien Reuven Rivlin et le Premier ministre Benyamin Nétanyahou lui ont longuement serré la main avec force sourires. Tandis que Trump donnait l'accolade à Nétanyahou en l'appelant «my old friend», le Premier ministre israélien donnait du «Donald» et du «Melania» à ses hôtes.
Ces signes d’amitié convenus annoncent cependant autre chose qu’une visite protocolaire marquée par un arrêt devant le mur des Lamentations - une première pour un président américain en exercice - et quelques discours cousus de fil blanc. En fait, les commentateurs israéliens et palestiniens sont persuadés que même si Nétanyahou n’en dit mot et s’il a interdit à ses ministres d’évoquer le sujet, sauf de manière elliptique, Trump prépare une initiative visant à relancer les négociations de paix israélo-palestiniennes, embourbées depuis 2014. Quitte à forcer la main des deux protagonistes.
Soutien sunnite. «Rien n'est encore acquis mais l'affaire est effectivement en cours», reconnaît un cadre du Fatah et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), rencontré à l'American Colony, un palace de Jérusalem-est (la partie arabe de la ville) où l'on dépense en une heure ce qu'un ouvrier palestinien gagne en un mois. «Grosso modo, Trump voudrait que la reprise du processus de paix ait lieu dans les prochaines semaines ou au début de l'automne. Il souhaite que les futures négociations soient courtes : de douze à seize mois, pas plus. […] La nouvelle administration américaine n'a pas l'expérience des précédentes et elle est plus brutale, plus pressée. Le message a été transmis par l'émissaire spécial qui a effectué plusieurs fois la navette entre Washington, Jérusalem et Ramallah.»
De fait, le président milliardaire Trump, qui a évoqué «une occasion rare» de «stabilité», veut acheter la paix en offrant des avantages aux deux parties. Et il entend bien y parvenir avec l'argent des autres. En l'occurrence, celui des régimes sunnites pro-occidentaux. En effet, en acceptant de reprendre des négociations sans conditions préalables, Israël pourrait, par exemple, continuer à construire dans ses colonies de Cisjordanie, mais pas hors de leurs limites. En outre l'Arabie Saoudite et les monarchies sunnites du golfe, avec lesquelles l'Etat hébreu est toujours techniquement en guerre, lui accorderaient une série de facilités économiques : le droit de survoler leur espace aérien et de faire des affaires avec elles, entre autres. Et la promesse de vraies relations diplomatiques si le processus aboutit.
«Forcing». Quant à l'Autorité palestinienne, elle se verrait renforcée par le soutien des Etats-Unis tout en bénéficiant d'une manne financière des régimes sunnites. Ces derniers jours, l'Autorité s'est ainsi déclarée «prête à reprendre les négociations là où elles s'étaient interrompues en 2014 à la condition qu'il ne s'agisse pas de discussions creuses et qu'elles débouchent sur du concret». Durant sa rencontre avec Rivlin, Trump a confirmé l'existence d'une communauté d'intérêt anti-iranienne unissant les Etats-Unis, Israël et plusieurs régimes sunnites au premier rang desquels l'Arabie Saoudite. Il a implicitement confirmé l'existence de contacts préparatoires à la reprise de pourparlers de paix en affirmant que «le roi Salman d'Arabie Saoudite veut voir la paix entre vous et les Palestiniens».
«Le projet de remettre Israël et l'Autorité palestinienne au cœur des négociations n'était pas une priorité de Trump lors de son entrée en fonction mais il s'est rapidement développé dans son entourage», affirme le chroniqueur politique israélien Oudi Segal. A-t-il des chances d'aboutir ? «Tout ne dépend pas que des Israéliens et des Palestiniens : il faut aussi tenir compte de la situation intérieure américaine et des enquêtes en cours à Washington sur l'intervention éventuelle des Russes dans la campagne électorale. Car si celles-ci tournent mal pour Trump, on peut s'attendre à ce que son initiative de paix tombe à l'eau en même temps que lui.» Mais en attendant, conclut-il, «son administration fait le forcing pour qu'il puisse, d'ici quelques semaines ou quelques mois, se targuer d'une grande victoire diplomatique internationale en annonçant une reprise du processus de paix israélo-palestinien, qui redorerait son blason au moment où il en a le plus besoin».