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Libération
PIPE ET PAPE

En Pologne, une pièce de théâtre excite catholiques intégristes et ultranationalistes

Aux abords du théâtre Powszechny à Varsovie, samedi. (Capture Ruptly. YouTube)
publié le 31 mai 2017 à 20h26

De soir en soir, le théâtre Powszechny à Varsovie ressemble davantage à une forteresse retranchée. Depuis quelques semaines, les représentations de la pièce Klatwa sont menacées par des ultranationalistes des Jeunesses de la grande Pologne, du parti d'extrême droite Camp national-radical (ONR), et des catholiques intégristes. Echaudés par une œuvre qu'ils jugent «blasphématoire», ils ont attaqué, le week-end dernier, le public à coups de pétards, de fumigènes et d'insultes.

Après qu’un acide butyrique, répulsif non toxique provoquant des nausées, a été lancé dans le hall du théâtre, la direction craint pour ses acteurs qui, comme tant d’autres dans une Pologne gouvernée par l’autoritaire parti de droite Droit et Justice (PiS), jouent sous pression. Dehors, un agent de sécurité vérifie trois fois les sacs des spectateurs.

«Nous, catholiques polonais, sommes offensés, dit Anna, la soixantaine, rosaire à la main. Dans la pièce, il y a le pape, notre saint, avec un énorme pénis et une actrice pratique du sexe oral avec lui. C'est de l'art ? L'art, c'est la beauté, le bien et la vérité.» Autre scène choquante aux yeux des perturbateurs : une pancarte «défenseur des pédophiles» attachée à la statue grandeur nature de Jean Paul II. «Toute cette pourriture nous vient de l'Ouest !» reprend la femme.

Pas exactement. Car c’est le Croate Oliver Frljic qui en signe la mise en scène, sur un texte de Stanislaw Wyspianski, auteur classique du répertoire polonais. On y narre l’histoire d’une femme, mère de deux enfants qu’elle a eus avec un prêtre, qui, dans un petit village de Pologne, est tenue responsable d’une sécheresse frappant les récoltes. Les habitants demandent son châtiment. Frljic en fait le point de départ d’une critique virulente de l’hypocrisie des prêtres, de la mainmise de l’Eglise sur la vie publique ou des affaires de pédophilie, mais aussi de la Pologne xénophobe de Kaczynski, qui exploite l’Eglise à des fins politiques tout en refusant d’accueillir les réfugiés.

«Notre but n'était pas de provoquer l'indignation mais de donner la parole à ceux qui, aujourd'hui en Pologne, n'ont pas le courage d'exprimer un autre point de vue que celui des catholiques et des nationalistes», explique Agnieszka Jakimiak, coauteure de la pièce. Qui, grâce aux controverses, se joue à guichets fermés. Mais difficile de savoir jusqu'à quand, le parquet ayant ouvert une enquête pour «offense aux sentiments religieux».