Vendredi matin, les employés du siège du Programme des Nations unies pour l'environnement(PNUE), à Nairobi, font grise mine. «Ce sont des années de négociations foutues en l'air. Depuis 1995 et le protocole de Kyoto, les Américains pourrissent systématiquement le travail fait sur le climat», témoigne l'un d'entre eux. Le chef du PNUE, Erik Solheim, se veut un peu plus diplomate. «La science relative au changement climatique est parfaitement claire : nous avons besoin de plus d'action, pas moins. La décision des Etats-Unis de quitter l'accord de Paris ne permet en aucun cas de mettre fin à cet effort imparable.» S'il fait l'effet d'une douche froide, le retrait de la Maison Blanche était très largement anticipé depuis l'élection de Donald Trump. Un diplomate résume : «Les autres pays doivent s'unir. Je pense à l'Afrique de l'Est qui est très touchée par le changement climatique. Au Kenya ou en Somalie par exemple, on en voit déjà les effets. C'est le moment ou jamais pour ces pays de se lever et de faire entendre leur voix dans ce combat.»
Depuis plusieurs années, le président kényan, Uhuru Kenyatta, tente de promouvoir son pays comme un leader de la lutte pour la protection de l'environnement : ferme éolienne géante, centrales géothermiques, interdiction des sacs en plastique… A l'agence météorologique nationale, on pense que la décision de Trump tient du choix fait dans un bureau à Washington, loin des réalités du terrain. Ici, l'impact du changement climatique est observé tous les jours. «On voit de plus en plus de phénomènes violents se succéder, comme El Niño et La Niña», rappelle le prévisionniste James Mohindi. En résulte une alternance mortelle de périodes de sécheresse extrême et d'épisodes de pluies torrentielles. «Plus la planète va se réchauffer, et plus on verra des épisodes météorologiques dangereux.» Pourtant, ici aussi le bon sens côtoie des décisions gouvernementales contradictoires. Le gouvernement donne son aval à la construction d'une centrale à charbon dans l'archipel de Lamu, joyau naturel situé sur la côte du pays, dans l'océan Indien. La prise de conscience doit se faire à l'intérieur même des pays, dit un responsable onusien. «La protection de l'environnement ne peut pas fonctionner si c'est une obligation décrétée par la communauté internationale. La société civile, les politiques et les entreprises doivent s'approprier ce thème.»