Les noms d'oiseaux pleuvent dru au Royaume-Uni. «Asservie», «mauviette», «trouillarde», «molle», ces qualificatifs peu flatteurs sont tous destinés à une seule et même personne: la Première ministre conservatrice Theresa May. Son refus de signer aux côtés de la France, de l'Italie et de l'Allemagne le communiqué dénonçant la décision de Donald Trump de se retirer de l'accord de Paris sur le climat, passe décidément très mal.
Jeudi soir, alors que le monde entier s'indignait avec force, il aura fallu plus de trois heures aux services du 10, Downing Street, pour sortir un communiqué très prudent. Theresa May y révélait avoir exprimé «sa déception» au président Trump lors d'un appel téléphonique. Le président américain l'a appelée peu de temps après son annonce, ce qui explique d'autant moins sa lenteur de réaction.
Face au barrage de critiques, la Première ministre, bousculée dans sa campagne électorale pour les élections générales du 8 juin, a tenté, maladroitement, de se défendre. Theresa May a été «très, très claire» auprès de Donald Trump en lui réaffirmant que le «Royaume-Uni s'engageait à respecter l'accord de Paris», a indiqué vendredi un porte-parole, qui a rappelé que ni le Japon ni le Canada n'avaient signé la lettre. Sauf qu'il ne fait aucun doute que la réaction britannique est l'une des plus timides, si ce n'est la plus timide, de tous les pays du G7.
«Servilité»
Cette réaction s’explique par un mot et un seul : Brexit. Le gouvernement britannique veut ménager sa sortie de l’UE. Et notamment l’éventualité de signer ensuite rapidement un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. D’où une danse du paon sans vergogne entamée dès l’arrivée en janvier à la Maison Blanche de Donald Trump, entre visite éclair, mains tendrement serrées et invitation à une visite royale auprès d’Elizabeth II. D’où l’extrême réticence de Theresa May à confronter les incohérences de l’ancien grand allié américain.
Trop content de l'occasion, le leader du Labour, Jeremy Corbyn, qui a depuis quelques jours le vent en poupe, n'a pas mâché ses mots. «Face à la chance de présenter un front uni avec nos partenaires internationaux, elle a opté pour le silence et, une fois de plus, la servilité face à Donald Trump», a-t-il déclaré lors d'un meeting de campagne à York. «Il s'agit d'un manque à ses devoirs vis-à-vis de ce pays et à nos devoirs envers la planète. Ce n'est pas le genre de leadership dont le Royaume-Uni a besoin pour à la fois négocier le Brexit ou prendre position pour défendre notre planète face au changement climatique», a-t-il ajouté.
Une certaine sympathie pour l’industrie des gaz de schiste
Ni Theresa May ni son gouvernement ne sont particulièrement actifs en matière d’environnement. En juillet, à peine arrivée au pouvoir, elle avait supprimé le ministère du Changement climatique, confirmé la suppression des subventions pour les énergies renouvelables et ne cache pas une certaine sympathie pour l’industrie des gaz de schiste.
La décision de Donald Trump n’isole pas seulement les Etats-Unis. En refusant de parler d’une même voix avec ses alliés européens, Theresa May prouve deux points. Avant même le début des négociations sur le Brexit, le 19 juin, elle place d’ores et déjà son pays en retrait de l’Union européenne. Et, entre les vociférations de Donald Trump et la fermeté morale, sur le climat, des pays de l’UE, du Canada, de la Chine ou même de la Russie, la voix du Royaume-Uni se transforme en murmure.