Cette année, la France a soumis deux sites à l'approbation du comité. A Strasbourg, la Grande Île était déjà inscrite au patrimoine mondial depuis 1988, une reconnaissance désormais étendue à la Neustadt, quartier allemand de la capitale alsacienne. En Polynésie française, c'est le marae de Taputapuatea – les marae sont ces espaces politiques, cérémoniels et funéraires représentant des points d'intersection entre le monde des vivants et celui des ancêtres – qui vient d'obtenir le Graal. Mais quelles sont les conséquences réelles, pour un site, d'une entrée au patrimoine mondial de l'Unesco ?
1/ Qu’est-ce que c’est ?
La liste du patrimoine mondial est gérée par l'Unesco, l'organe des Nations unies chargé de l'éducation, la science et la culture. Elle répertorie des sites culturels, naturels ou mixtes exceptionnels, actuellement au nombre de 1 073. N'importe quel pays peut proposer un site s'il répond à au moins un des dix critères établis par le comité. Les propositions sont ensuite évaluées par une organisation consultative (le Conseil international des monuments et des sites et l'Union internationale pour la conservation de la nature), puis soumises au comité, qui se réunit une fois par an. Parallèlement, le comité peut inscrire un lieu sur la liste du patrimoine mondial en péril s'il juge que des éléments extérieurs menacent les caractéristiques uniques du site.
2/ Quels sont les avantages ?
Le premier attrait est évidemment économique. Les villes ayant bénéficié d'un classement au patrimoine mondial ont assisté à une augmentation du nombre de visiteurs : en 2006, soit un an après l'ajout du Havre dans la liste, la ville a vu arriver 29% de touristes supplémentaires. En Chine, une fabrique de soie avait vu affluer 200% de touristes en plus l'année suivant son inscription. Ensuite, le site est sous la protection de l'Unesco. Concrètement, l'organe statue sur des normes à respecter. Ainsi, si les pouvoirs publics envisagent des projets «incompatibles» avec le respect du site, le comité peut décider de classer le site «en péril». Prenons le cas du centre historique de Vienne. L'Unesco avait établi que les constructions du centre de la capitale ne devaient pas excéder 43 mètres. A cause d'un projet de tour d'habitations de luxe de 66 mètres, le site est désormais classé «en péril» depuis lundi. Cette décision est «une première alerte», prévient Mechtild Rössler, directrice du centre du patrimoine. Certains sites peuvent également faire l'objet d'interventions de restauration, ou de reconstruction. Ce fut le cas pour Tombouctou, dont quatorze mausolées avaient été détruits par Aqmi en 2012.
3/ Peut-on être retiré de la liste ?
L'inscription sur la liste des sites en péril a valeur d'avertissement, et peut précéder un retrait. Une épée de Damoclès donc, avec des effets aléatoires. A mettre au compte des victoires, le projet kazakh d'un pont sur la route de la soie, classée au patrimoine mondial, qui fut abandonné après une intervention sur place de l'Unesco. Mais ce moyen de pression ne suffit pas toujours à faire barrage aux plans des pouvoirs publics. Ainsi, en 2009, le comité a décidé de retirer la vallée de l'Elbe à Dresde de la liste du patrimoine mondial à cause d'un pont quatre voies.
4/ Qui la contrôle ?
Une équipe de 27 personnes travaille à l'Unesco. Elles se déplacent sur les lieux classés pour évaluer la politique de conservation adoptée, et peuvent également se rendre sur le terrain lorsque la situation s'avère critique. Mechtild Rössler est ainsi allée constater les dégâts à Palmyre fin avril, début mai 2016, juste après que l'Etat islamique a déserté les lieux (en mars 2016). Ces experts du patrimoine établissent des rapports étudiés par le comité, dont 154 seront examinés lors de cette 41e session. Le Centre international d'étude pour la préservation et la restauration des biens culturels (Iccrom) dispense également des conseils de conservation au comité.
5/ Comment est-elle financée ?
La convention fondatrice de 1972 établit que les Etats parties s'engagent à verser tous les deux ans au fonds du patrimoine mondial 1% du budget qu'ils allouent à l'Unesco. Mais aujourd'hui, l'organisation peine à intervenir sur plusieurs théâtres menacés, faute de moyens. Les Etats parties se bousculent quand il s'agit d'être inscrit sur la liste du patrimoine mondial, mais sont souvent plus frileux quand se pose la question de leur participation en tant que donateurs. «Je suis très déçue par l'attitude des pays, se scandalise Mechtild Rössler. Les pays européens ne donnent pratiquement plus, on compte surtout sur des donateurs privés et sur les émergents.» Asie en tête. Ainsi, la France n'a, en 2016, dépensé que 573 000 dollars contre 12 millions pour le Japon. Et la sortie des Etats-Unis en 2011 suite à la ratification de la convention par la Palestine a été un véritable coup dur. Le pays contribuait au budget de l'Unesco à hauteur de 22%. L'organisation bénéficie de seulement 4 millions de dollars par an à l'heure où le patrimoine de nombreux pays du Proche et Moyen-Orient ainsi que d'Afrique est menacé par les extrémistes islamistes.