En principe, pour les anniversaires, on fait la fête, on ouvre une bouteille et on souffle éventuellement des bougies. Dans un style un peu plus sobre, pour ses un an à la tête du gouvernement britannique, Theresa May a soumis ce jeudi devant le Parlement une proposition de loi qui devrait entériner le Brexit dans la législation britannique.
Il y a quelques mois, sous le feu de l'enthousiasme des «Brexiters», la loi s'appelait la «great repeal bill» (la loi du grand rejet), puis, il y a quelques semaines, elle est devenue la «repeal bill». Désormais elle s'appelle tout simplement la «European union (withdrawal) bill 2017-2019», soit la loi du «retrait» de l'Union européenne. Le principe est d'intégrer dans la loi britannique toutes les lois européennes votées depuis plus de quatre décennies, avant ensuite de faire son marché et de décider quelles mesures seront conservées ou rejetées une fois le Royaume-Uni définitivement sorti du club européen.
La première phrase de la proposition de loi est d'une clarté limpide : «La loi des communautés européennes de 1972 est rejetée le jour de la sortie» de l'UE. C'est à cette date que le Royaume-Uni a rejoint ce qui était alors la Communauté économique européenne (CEE).
«Un enfer»
En principe, pour les anniversaires, on offre des cadeaux. Le leader démissionnaire du Parti libéral-démocrate Tim Farron a promis que la Première ministre allait vivre «un enfer», et Keir Starmer, en charge du Brexit au sein de l'opposition travailliste, a d'ores et déjà prévenu qu'en l'état, la loi ne serait pas votée par le Labour. Les députés gallois et écossais ont aussi annoncé, dans un communiqué commun, qu'à moins de «changements majeurs», ils ne voteraient pas non plus la loi.
Une clause, notamment, a fait tiquer beaucoup de députés, y compris conservateurs. «La charte [européenne] des droits fondamentaux ne fera pas partie de la loi domestique le jour ou le lendemain de la sortie» de l'UE. Or, tant les libdem que les travaillistes souhaitaient conserver cette notion après le Brexit. «La charte des droits fondamentaux est la pierre angulaire de ce qui fait le Royaume-Uni. Je ne comprends pas quel est le problème du gouvernement. Il s'agit du droit à la vie, de l'interdiction de la torture, de la protection contre l'esclavage, le droit à un procès équitable, le respect de la vie privée, la liberté de penser et de religion, de parole et de manifester. Il ne s'agit pas de frustrations, ces [éléments] sont ce qui constitue le fait d'être Britannique», s'est étonné Tim Farron.
La possibilité pour les ministres du gouvernement d’utiliser pendant deux ans les «clauses d’Henry VIII», une disposition qui date de 1539 et permet de légiférer par proclamation, donc sans débat ou vote au Parlement, a également été accueillie avec un profond scepticisme par les parlementaires. Bref, tout va très bien.
Apaiser les esprits
Les députés auront l’été pour apaiser leurs esprits ou fourbir leurs arguments avant les débats sur la loi qui n’auront lieu qu’en octobre. Mais elle devra être votée avant la date officielle de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, prévue le 28 mars 2019.
Le ministre en charge du Brexit, David Davis, a prévenu qu'il était prêt à «travailler avec tout le monde» pour faire adopter cette loi, «une des plus importantes pièces de législation qui soit jamais passée par le Parlement». Sa main tendue aux autres partis n'est pas une surprise puisque le gouvernement ne dispose plus d'une majorité dans l'hémicycle.
Cette loi doit permettre au Royaume-Uni de sortir de l'UE avec un «maximum de certitudes, de continuité et de contrôle», a ajouté David Davis. Vu leurs premières réactions, il n'est pas évident que les députés aient été particulièrement rassurés ce sur point. Il est des anniversaires dont on se passerait bien.