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Brexit, facture et autres fractures

Coût de la sortie de l’Union, Irlande du Nord, questions juridiques, statut des ressortissants européens… Les sujets de tensions ne manquent pas, alors que s’est ouvert ce lundi un nouveau cycle de discussions.
A Londres, en mars, devant un monument au duc de Wellington, vainqueur de Napoléon à Waterloo en 1815. (Photo A.Testa. NYT. REDUX.REA)
publié le 17 juillet 2017 à 20h26

Plus d'un an après l'annonce du divorce et une longue période de flottement, les négociations sur le Brexit passent à la vitesse supérieure. Lundi matin, David Davis a rencontré Michel Barnier à Bruxelles afin d'entamer un nouveau cycle de discussions qui durera quatre jours. Le ministre chargé du Brexit est vite reparti, laissant les représentants du gouvernement britannique mener ce dialogue. Mais il reviendra jeudi, pour un nouveau rendez-vous avec le négociateur en chef de l'Union européenne sur ce dossier. «Nous avons pris un bon départ le mois dernier, mais nous entrons maintenant dans le vif du sujet», a déclaré David Davis en arrivant au siège de la Commission européenne. Lors d'une première entrevue, le 19 juin, les deux parties se sont accordées sur le calendrier : désormais, il faut «se mettre au travail» et régler des points essentiels avant une nouvelle série de discussions qui devraient commencer à la fin du mois d'août.

Devant l’objectif de l’AFP, Michel Barnier et son équipe ont - littéralement - posé des dossiers épais sur la table des discussions, alors que David Davis et ses collaborateurs avaient les mains presque vides. Malheureuse coïncidence probablement, mais cette image illustre bien l’impression générale que les Britanniques manquent de préparation et de clarté. La semaine dernière, Michel Barnier s’impatientait de recevoir les mémorandums du gouvernement de Theresa May, les documents clarifiant la position du Royaume-Uni, notamment sur l’épineuse question de la «facture du Brexit».

«Solder les comptes»

Elle recouvre, entre autres, les sommes engagées dans des programmes européens, dont le budget pour la période 2014-2020 a été adopté en 2013, bien avant la victoire du Brexit et même la promesse d'un référendum. Son montant est devenu une source de tensions entre les deux parties. «Il est indispensable que le Royaume-Uni reconnaisse l'existence d'obligations financières qui découlent simplement de la période durant laquelle il est membre de l'UE. Il ne s'agit sûrement pas d'une punition ou d'une revanche, mais de solder les comptes. Nous ne demanderons pas un euro de plus que ce à quoi le pays s'est déjà engagé», a prévenu Michel Barnier. Bruxelles estime la note entre 60 et 100 milliards d'euros, mais le gouvernement britannique tergiversait. L'impétueux ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, a lâché devant les députés que cette somme était «exorbitante» et que l'UE pouvait «toujours siffler» (toujours courir).

«Je n'entends pas siffler, j'entends juste l'horloge qui fait tic-tac», avait rétorqué Michel Barnier, laissant supposer que les négociations pourraient tourner court si Westminster ne montrait pas plus de sérieux. Il aura fallu attendre une déclaration de Joyce Anelay, la ministre d'Etat aux Affaires étrangères et membre de la chambre des Lords, qui a affirmé que le gouvernement honorerait ses obligations financières, quoi qu'en pense Boris Johnson.

Outre ce volet, les deux parties vont continuer à aborder la question brûlante des droits des citoyens européens. Depuis la victoire du Brexit, 3,2 millions de ressortissants de pays de l’Union vivant au Royaume-Uni, mais aussi 1,2 million de Britanniques installés dans les Etats membres de l’UE, attendent des garanties.

Le mois dernier, Theresa May a proposé une offre qu'elle jugeait «généreuse», «juste et sérieuse» : la création d'un statut de «résident établi». Les citoyens européens pourront en faire la demande après avoir vécu cinq ans sur le sol britannique, mais le perdront s'ils résident plus de deux années consécutives hors du Royaume-Uni. La proposition comporte plusieurs points encore flous, et est loin d'avoir convaincu les Vingt-Sept. «Nous sommes traités comme des citoyens de seconde classe, confirme Nicolas Hatton, directeur et fondateur du groupe de pression The3million. Nos droits ne sont pas protégés sur le long terme, on nous en enlève certains, comme le regroupement familial.» Autre point litigieux : le Royaume-Uni veut sortir à tout prix de la Cour de justice de l'Union européenne.

Cacophonie

Lors de la conférence du Parti conservateur en octobre, Theresa May avait prévenu qu'il était hors de question de rester sous la juridiction européenne. Depuis, le gouvernement n'a pas abandonné cette idée de «reprendre le contrôle» de la législation aux mains de Bruxelles, souhaitant que les affaires impliquant des citoyens européens ne soient plus traitées au Luxembourg mais bien dans des cours britanniques, une fois le Brexit mis en application. Cette requête est vivement critiquée, à Bruxelles mais aussi à Londres. Aux yeux de l'ancien chef de cabinet de David Davis, James Chapman, qui a démissionné juste après les élections législatives, la position «absolutiste» de Theresa May «paralyse» les négociations sur le Brexit.

David Davis et son équipe tenteront donc de faire des progrès sur ces points, mais aussi sur la question de la frontière irlandaise, qui inquiète les défenseurs de la paix. Ils essayeront surtout de passer pour de sérieux négociateurs, tandis qu’à Westminster, la cacophonie continue. La semaine dernière, des membres du gouvernement présents à une réunion privée du cabinet ont fait fuiter des propos prétendument tenus par le chancelier de l’Echiquier, Philip Hammond, favori pour succéder à May, qui pourraient entacher sa réputation. Si ces rumeurs ne sont pas directement liées au Brexit, la Première ministre a prévu de mettre les points sur les «i» ce mardi, pour remettre de l’ordre dans ses rangs.