Rasé de près, en chemisette bleue, O.J. Simpson est apparu détendu, souriant et assez sûr de lui lors de son audience devant la commission des libérations conditionnelles de Carson City, dans le Nevada, ce jeudi après-midi. En vidéoconférence depuis sa prison de Lovelock, où il est incarcéré depuis près de neuf ans, il s’est vu accorder après seulement une petite demi-heure de délibération une libération anticipée à l’unanimité des quatre membres de la commission. Il pourrait sortir de prison le 1er octobre.
L'ancien running back avait été condamné en 2008 à 33 ans de prison, dont neuf ans minimum, pour vol à main armée, agression et enlèvement. En septembre 2007, Simpson s'était rendu avec des complices dans un hôtel-casino de Las Vegas pour voler des souvenirs de sa carrière de joueur. Selon lui, il tentait seulement de récupérer ces objets qui lui avaient été volés par les deux vendeurs agressés.
Mais «The Juice» est surtout connu pour avoir été accusé du meurtre de son ex-femme Nicole Brown et de son ami Ronald Goldman, retrouvés sauvagement assassinés en 1994. Au terme d’un procès retentissant, dont les neuf mois, intégralement retransmis en direct à la télévision, avaient passionné l’Amérique, il avait été acquitté, malgré des preuves accablantes.
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Vingt ans plus tard, «O.J.» se retrouve à nouveau sous l’œil des caméras. Lors de l’audience de libération conditionnelle, il s’est beaucoup justifié et a tenté de donner sa version de l’histoire, racontant son quotidien de détenu et sa volonté de retrouver sa famille. Cette procédure pourtant administrative et sans suspense - tous les experts avaient parié sur sa libération, notamment en raison de sa bonne conduite en détention -, a été très suivie et très commentée aux Etats-Unis.
1. L’audience a été diffusée en direct
L’audience de libération conditionnelle, procédure assez technique et sans promesse de rebondissements, a été diffusée en direct par toutes les grosses chaînes d’information en continu, réseaux ou câbles. ABC, CBS, NBC, CNN, Fox, MSNBC et ESPN ont diffusé l’intégralité de la procédure. La plupart du temps en split screen, puisque O.J. Simpson et les membres de la commission n’étaient pas au même endroit. Le célèbre détenu s’exprimait depuis sa prison de Lovelock, quand la commission siégeait à quelques dizaines de kilomètres, également dans le Nevada.
Jeudi après-midi, toutes les grandes chaînes américaines ont fait une pause dans leur couverture frénétique de l’administration Trump et des nombreuses affaires du moment - interférences russes dans la campagne, Trumpcare, cancer de John McCain… - pour consacrer du temps d’antenne à l’affaire O.J Simpson. Et tenter de ranimer l’intérêt médiatique inédit qu’avait suscité l’affaire, et notamment cette course-poursuite de l’ex-star du football américain, suivie en direct par près de 95 millions de téléspectateurs. Le tout avec une hostilité manifeste envers la star déchue.
Chaque média est parvenu à faire intervenir des figures clés de l'affaire: Kato Kaelin, un ami d'O.J. présent chez lui le soir du double meurtre, et la sœur de Nicole Brown, ont été interrogés. L'ex-détective de la police de Los Angeles Mark Furhman, témoin clé au procès, a lui commenté l'audience pour Fox News. Quant à Christopher Darden, l'un des procureurs du procès Simpson, il était lui sur NBC. «Bien sûr que ce n'est pas pertinent sur le plan légal, mais je crois que la question que tout le monde aimerait poser à O.J. Simpson, c'est "Est-ce que tu as tué Ron et Nicole?"», a-t-il affirmé.
2. «The Juice» a fait des blagues
Malgré la solennité du moment, Orenthal James Simpson n'a pas hésité à user de sa bonhommie et de son sens de la répartie pour amadouer la commission. «On a eu l'impression de voir un gros nounours gentil, mais n'oublions pas qu'il est l'auteur d'un double meurtre d'une violence inouïe», a d'ailleurs martelé sans détours un présentateur sur Fox News.
Alors qu'elle récitait son état civil, la présidente de la commission lui a attribué 90 ans, quand il n'en a que 70. Se rendant compte de son erreur, elle a plaisanté: «Vous êtes en forme pour 90 ans!» Ce à quoi Simpson a répondu qu'il avait «l'impression de les avoir», après toutes ces années en prison, ce qui n'a pas manqué de faire sourire la commission.
Chairman calls OJ Simpson 90 instead of 70 years old https://t.co/GUWn8Sy37d
— POPTOP #News (@poptopitnews) July 20, 2017
Rebelote un peu plus tard. Alors qu'il affirmait vouloir s'établir en Floride à sa sortie de prison, il a lancé en rigolant: «Je resterais bien dans le Nevada, mais je ne crois pas que vous en ayez très envie». Là encore, la commission, plutôt charmée, a réfréné un sourire. La présidente a simplement répondu: «No comment».
OJ Simpson: “I could easily stay in Nevada, but I don’t think you guys want me here.” Watch the parole hearing LIVE https://t.co/wVHJIuM2Vv pic.twitter.com/6hHbS0jnYR
— NBC Los Angeles (@NBCLA) July 20, 2017
3. «Conflict-free life»
L'ex-star de la NFL a profité d'un temps de parole que lui laissait la commission pour brosser son autoportrait en prisonnier et père modèles. Les réseaux sociaux ont d'ailleurs failli s'étouffer en l'entendant dérouler le récit de sa vie, évoquant une «existence sans conflits» («Conflict-free life»).
Sur Twitter, les réactions ne se sont pas fait attendre, entre GIF d’étonnement ou photos de son ex-femme Nicole au corps et au visage tuméfiés, quelques années avant sa mort. Les épisodes de violence d’O.J. Simpson contre son ex-femme avaient été récurrents, notamment les dernières années de leur mariage.
Simpson a également raconté qu’en détention, il avait suivi des cours de communication non-violente et qu’il était plusieurs fois intervenu pour jouer les médiateurs lors de conflits entre détenus.
4. Un témoignage de victime en sa faveur
Autre moment fort de l'audience, le témoignage ému de sa fille aînée, Arnelle Simpson, qui est venue lire une lettre au nom de sa famille, évoquant un père à la fois «[s]on meilleur ami, [s]on roc». «En tant que famille, nous reconnaissons qu'il n'est pas l'homme parfait», a-t-elle ajouté.
Plus étonnant, Simpson et son avocat ont également fait témoigner Bruce Fromong, l’une des victimes du vol de Las Vegas, que connaissait Simpson avant de venir dans sa chambre d’hôtel récupérer par la force ses souvenirs sportifs.
Fromong a affirmé que pendant le procès de 2008, il voulait que «The Juice» soit condamné à une peine allant de un à trois ans, et qu'il avait trouvé sa peine finale «beaucoup trop longue». Fromong a rappelé que lui et «O.J.» étaient amis de vingt ans. «Il est temps de lui donner une seconde chance, a-t-il avancé. Il est temps pour lui de rentrer à la maison, de retrouver sa famille et ses amis». La victime d'O.J. Simpson a même affirmé que si celui-ci l'appelait demain et lui demandait, «Tu viens me chercher?», il répondrait: «Juice, je serai là demain».
Bruce Fromong, victim in O.J. Simpson's robbery: "If he called me tomorrow and said..."Will you pick me up?" Juice, I'll be here tomorrow." pic.twitter.com/3mG5V9f6du
— ABC News (@ABC) July 20, 2017
5. Des centaines de lettres envoyées
Lors de l'audience, l'une des membres de la commission de libération conditionnelle a brandi une épaisse pile de papiers: «Nous avons reçu des centaines de lettres de soutien, et d'opposition. D'habitude, nous encourageons la participation du public. La majorité des lettres d'opposition nous demandent de prendre en compte [dans notre décision] votre acquittement de 1995, ainsi que votre condamnation au civil. Cependant, ces éléments ne seront pas pris en considération lors de cette audience.»
Preuve, s'il en fallait encore, de l'extrême polarisation du public américain sur «l'affaire» O.J. Simpson, vingt ans après «le procès du siècle».