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Libération
Récit

Sur la Syrie, Trump envoie des signaux à Poutine

Le «Washington Post» révèle que la CIA a suspendu un programme d’aide aux rebelles de l’Armée syrienne libre. Un souhait de longue date des Russes.
Des rebelles syriens conduisent un tank dans la province de Quneitra en Syrie, le 28 juin 2017 (Photo Mohamad ABAZEED. AFP)
publié le 21 juillet 2017 à 21h06

Face aux révélations qui, chaque jour, précisent les connexions russes de Donald Trump et ses excès d’amabilité lors de ses rencontres avec Vladimir Poutine, le président américain passe plus de temps à se justifier qu’à réfléchir à ses initiatives envers Moscou. En pleine enquête du Congrès sur les ingérences russes dans la campagne présidentielle, c’est sur le front bien plus chaud du conflit en Syrie que Trump a pris une décision pour plaire à la Russie.

L'arrêt par la CIA d'un programme de soutien aux rebelles armés syriens qui combattent le régime de Bachar al-Assad vient en effet d'être révélé par le Washington Post. Une suspension du programme qui était «désirée par la Russie, alliée de longue date du chef d'Etat syrien face aux rebelles et aux terroristes de l'Etat islamique», souligne le quotidien. Interrogée sur cette décision surprise, la nouvelle porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Huckabee Sanders, s'est refusée à tout commentaire lors d'une conférence de presse. La CIA n'a pas non plus souhaité commenter.

Lancé en 2013 par l'administration Obama, le programme visait à fournir des armes et un entraînement à des groupes rigoureusement sélectionnés de l'Armée syrienne libre (ASL), dans le nord du pays à travers la Turquie et dans le sud à travers la Jordanie. Ce soutien militaire «irrégulier et insuffisant», selon les rebelles, leur avait toutefois permis de réaliser de grandes avancées contre les troupes du régime en 2015, provoquant l'intervention directe de la Russie.

«Depuis l'entrée dans le conflit des forces armées russes aux côtés de Bachar al-Assad, ce programme n'a eu que très peu de succès», ont confié des responsables américains, sous couvert d'anonymat, au Washnington Post. «La décision de suspendre ce programme d'aide de la CIA ne constitue pas une concession majeure, selon un membre de l'administration, cité par le quotidien. Car Bachar al-Assad garde sous sa coupe de larges zones de la Syrie. Néanmoins, il s'agit d'un signal à Poutine, que l'administration veut améliorer les liens avec la Russie.»

Cet arbitrage intervient dans le cadre d’une politique de réchauffement des relations avec Moscou, précise un des chefs américains. Elle a été prise après un entretien de Trump au Bureau ovale avec le patron de la CIA, Mike Pompeo, et le conseiller à la Sécurité nationale, le général H.R. McMaster, juste avant la toute première rencontre officielle entre Donald Trump et Vladimir Poutine au sommet du G20, le 7 juillet. Le même jour, un cessez-le-feu dans le sud-ouest de la Syrie, couvrant une partie de la zone où les rebelles opèrent, a été négocié par les Etats-Unis, la Russie et la Jordanie, à l’insu des parties syriennes.

Les groupes de la rébellion qui bénéficiaient de ce programme n'ont toujours pas été informés officiellement de la décision américaine qu'ils ont apprise par la presse. «C'est une surprise totale, a déclaré l'un des chefs de l'ASL, cité par Reuters. Cela peut marquer l'écroulement de l'opposition armée modérée, non seulement au profit du régime de Bachar al-Assad, mais aussi des groupes jihadistes liés à Al-Qaeda.»

Une analyse partagée par Charles Lister, chercheur au Middle East Institute à Washington et spécialiste des groupes armés rebelles en Syrie : «La courte vue de l'administration Trump est encore pire que celle d'Obama. En souscrivant à la stratégie russe, elle garantit le succès d'Al-Qaeda», écrit-il dans un article publié sur le site TheDailyBeast intitulé «Comment les Russes ont piégé Trump en Syrie, tandis que l'Iran est le grand gagnant».